Shiori Ito accuse Noriuki Yamaguchi, un journaliste proche du Premier ministre, Shinzo Abe, de l’avoir droguée et violée le 3 avril 2015 dans un hôtel tokyoite. Le journaliste s’en défend en affirmant que la jeune femme, qui candidatait à un stage dans son journal, était consentante. Après avoir déposé plainte sans succès, Shiori Ito a décidé de rendre l’affaire publique en 2017. Elle a publié un livre, "Black Box", qui eut beaucoup d’écho alors que la vague #MeToo partie des Etats-Unis touchait enfin le Japon.
Pendant toute l’affaire, pour se protéger d’éventuelles représailles, Shiori Ito a filmé, souvent en caméra cachée, ses démarches et a enregistré ses interlocuteurs.
Inconnue en France, Shiori Ito est une star au Japon. Elle y est le visage de #MeToo, celle dont le combat courageux pour faire reconnaître le viol dont elle a été victime en 2015 galvanise celui de toutes les femmes dans un pays conservateur où l’autorité masculine n’est que timidement remise en cause, où les plaintes pour violences sexuelles sont rares et où les juges hésitent à sanctionner leurs auteurs.
Voir "Black Box Diairies", c’est évidemment prendre fait et cause pour Shiori Ito. La culpabilité de son agresseur ne fait pas l’ombre d’un doute – et le scrupule légaliste réservant à la police et aux juges le soin de l’élucidation des faits est bien (trop ?) vite balayé. La beauté de la victime, mannequin pour Calvin Klein, y est pour beaucoup. Mais plus encore, le spectateur est sensible au combat qu’elle mène pour que sa plainte soit entendue. Il prend conscience, autant qu’un documentaire peut lui permettre de le faire, de l’énergie, de la détermination et du prix à payer pour mener cette lutte.
Car, bien évidemment, Shiori Ito a suscité la polémique. Sa parole a été mise en doute. On l’a accusée de s’être prostituée, d’avoir menti, d’avoir cherché à s’enrichir dans ses procès. On mesure, à la suivre face à ce flot de haine, le courage et la force qu’il faut avoir pour y résister.
Le documentaire lui-même a suscité une polémique. Les avocats de Shiori Ito lui ont fait le reproche d’avoir utilisé certaines images, telles que celles des caméras de surveillance de l’hôtel auxquelles elle a eu accès à condition qu’elles ne soient utilisée que dans le cadre de l’instance, ou certains témoignages. Ces réserves peuvent sembler pusillanimes : pourquoi refuser la publicité de tout ce qui peut participer à la manifestation de la vérité ? Mais, à y regarder de plus près, elles ne sont pas si sottes : rendre publiques des preuves obtenues sous le sceau de la confidence, n’est-ce pas fragiliser la confiance et risquer à l’avenir que de tels témoins ne se taisent ?