Francesco Rosi est par excellence le réalisateur engagé du cinéma italien. Il n’a pas son pareil pour décrire de façon acérée voire chirurgicale la corruption qui gangrène la société transalpine , que ce soit au travers de sa mafia ou de sa classe politique. Les « Trois frères » marque une pause dans la démarche habituelle de Rosi. Le contexte politique est toujours bien présent avec les tensions terroristes qui empoisonnent ces années 70, mais le metteur en scène se veut plus intimiste via les retrouvailles de trois frères pour le décès de leur mère. Trois frères, trois villes pour trois destins différents. Le parcours des trois hommes est le reflet de tous les maux qui frappent une Italie en plein renouveau économique, renouveau qui accentue le fossé existant entre le Nord et le Sud. A Rome, le juge impliqué voit sa vie menacée à cause de sa lutte contre la corruption. A Naples, l’éducateur idéaliste tente de redonner une trajectoire de vie à des jeunes délinquants exclus du système. Enfin à Florence le syndicaliste rebelle est en proie au durcissement des mœurs patronales. Ce bref retour aux sources auprès du patriarche joué par un magistral Charles Vanel de 90 ans n’éloignera pas les préoccupations des trois frères retrouvés pour un instant. Lors d’une scène onirique, Rosi met en scène les rêves ou cauchemars de chacun, les ramènant au quotidien qui les attend aussitôt partis de la demeure familiale. C’est un film doux amer sur la nostalgie, le déracinement et le temps qui passe. Un registre inhabituel pour Rosi dans lequel il n’évite pas quelques maladresses mais qui lui tenait certainement à cœur à cause des éléments biographiques dont il a parsemé le scénario.
Il y a beaucoup de choses dans Trois Frères : le Nord, le Sud, l'Italie traditionnelle et moderne, les responsabilités d'un juge, celles d'un père, et les idées de chacun qui s'enchemêlent, articulées autour de retrouvailles longtemps après que chacun a commencé de suivre une voie qui lui était propre.
Je ne suis pas contre le fait qu'on pose beaucoup de questions sans toujours donner la réponse, et Rosi a déjà fait réfléchir le spectateur par le passé, mais ici c'est trop. Les métaphores sont grossières, le bouillonnement social montré sans élégance. Un storyboard maladroit rend difficile de connecter chaque scène à l’argument qu’elle développe, et c’est assez dense pour qu’on finisse par se sentir livré à nous-mêmes.
C’est film facile à défendre car il parle d'un chaos ambiant de manière chaotique, et il y a au moins une certaine cohérence là-dedans. Mais on sort échaudé de ce bain désorganisé de faits de société.