Actuellement, Marc Forster est reconnu en tant que faiseur de blockbusters d’action, au succès critiques mitigés mais assurément commercial (Quantum of Solace, World War Z). Qu’a-t-il bien pu faire pour que les gros producteurs hollywoodiens s’intéressent à lui de la sorte ? La réponse se résume en un seul film : À l’ombre de la haine (qui permit à Halle Berry d’obtenir l’Oscar de la Meilleure actrice en 2002). Dès lors, le cinéaste accéda sans peine au statut de metteur en scène de renommée, qui s’est perpétué avec sa réalisation suivante intitulée Neverland (Finding Nerveland en VO).
Tout le monde connait, bien évidemment, Peter Pan. Ce jeune garçon refusant de grandir et qui entraîne des frères et sœurs dans un pays imaginaire (qui mérite bien son nom) où se côtoient des pirates, des sirènes, des indiens, des fées… Un conte pour enfants qui s’est fait notamment connaître auprès des dernières générations via le long-métrage de Walt Disney (1953) et qui a connu diverses versions (Hook ou la Revanche du Capitaine Crochet en 1991 de Steven Spielberg, Peter Pan en 2003, Pan étant actuellement en préparation…). Sans compter les divers spin-offs basés sur l’univers du Disney (les nombreux films sur Clochette) et autres produits dérivés. Mais qu’elle est donc la base de tout cela ? Beaucoup de jeunes l’ignorent, il est donc temps de leur dire que le vrai Peter Pan n’est pas initialement un dessin-animé. Mais une pièce de théâtre (avant d’être un roman) écrite par le romancier et dramaturge J.M. Barrie. Pourquoi vous dire tout cela ? Pour vous mettre dans le bain : Neverland revient sur cet auteur et notamment durant la période où il a eu l’idée d’inventer le personnage de Peter Pan.
Tout n’est pas rose pour J.M. Barrie : son mariage ne se porte pas bien, sa dernière pièce est un désastre et son producteur le pousse à écrire une nouvelle œuvre afin de renouer avec le succès. Et comme si cela ne suffisait, l’inspiration répond aux abonnés absents ! Pourtant, Barrie va revoir sa flamme renaître lors d’une pause dans un parc, où il va faire la connaissance d’une veuve atteinte de la tuberculose et de ses quatre garçons, avec qui il va tisser une très forte amitié. Et c’est en les côtoyant que l’auteur va se remettre à écrire, s’inspirant de cette famille attachante pour créer les nombreux personnages et moments décrits dans Peter Pan.
En somme, il s’agit d’un banal biopic, tout simplement ! Qui préfère se concentrer sur une période précise de la personne visée plutôt que de faire un rapide panorama de sa vie entière (comme le feront plus tard Coluche – L’histoire d’un mec, My Week with Marylin et Lincoln). Et qui risque donc de se montrer barbant et un brin pédagogique tout en ayant certaines qualités qui ne peuvent réellement cacher ces constats. Eh bien, rassurez-vous : Neverland n’est pas aussi de cet acabit-là ! Il est même très loin des films biographiques classiques !
Car le film sait aisément jongler entre le film familial et le drame pur et dur. Arborant une ambiance d’une légèreté que n’aurait pas reniée Forrest Gump, avec sa fabuleuse musique qui confère des instants véritablement magiques (superbe travail de la part du compositeur Jan A. P. Kaczmarek) et qui donne un côté poétique à chaque moment de jeu (où J.M. Barrie s’amuse avec les enfants). Et sachant toucher au cœur quand le long-métrage décide de s’attarder sur la maladie du personnage de Sylvia Llewelyn Davies (la veuve et mère de famille), renforçant la relation qu’elle entretient avec le dramaturge, mais également celle entre ce dernier et ses enfants (sans doute la plus marquante de ce film).
Et il faut bien le dire que les acteurs aident vraiment le film ! Surtout Johnny Depp, qui se retrouve dans un rôle où on ne l’attendait pas forcément (loin des bizarreries de Tim Burton ou d’un quelconque rôle de mafieux à la Donnie Brasco). Le mythique interprète de Jack Sparrow se montrant incroyablement juste et touchant, qu’il en devient inadmissible qu’il n’ait été que nominé à l’Oscar du Meilleur acteur ! Alors qu’il est secondé par l’actrice talentueuse qu’est Kate Winslet (Rose dans Titanic, pour ceux qui l’ignorent encore) et qui confirme une fois de plus son jeu de comédienne hors norme. À eux deux, et les quelques jeunes acteurs (dont Freddie Highmore, qui se fera connaître avec Arthur et les Minimoys), ils surpassent sans mal d’immenses comédiens (Dustin Hoffman, Julie Christie…) qui passent littéralement inaperçus. Et c’est fort dommage !
Vous l’aurez compris, Neverland est loin, très loin d’être un biopic classique. Qui se permet même de flirter avec le fantastique sur la fin (ne révélons rien !) de manière touchante et poétique. Deux adjectifs qui qualifient à eux-seuls ce film de Marc Forster, qui a décidément bien plus sa place dans les films forts et émotionnels plutôt qu’avec les blockbusters hollywoodiens, qui ne lui donnent, pour le moment, aucunement l’occasion d’exprimer son talent de conteur.