The Apprentice : les secrets du tournage

Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.

Le film n’est pas un biopic sur Donald Trump, mais narre plutôt la relation qu’il a tissé avec son mentor, l’avocat Roy Cohn, qui a décelé rapidement le potentiel du futur milliardaire comme Ali Abbasi l'explique : "On ne s’intéresse pas aux moindres détails de sa vie, de sa naissance à nos jours. On a cherché à raconter une histoire très spécifique à travers sa relation avec Roy, et à travers celle de Roy avec lui".

Le titre du film The Apprentice renvoie à une célèbre émission de télé-réalité Outre-Atlantique sur la chaîne NBC, dans laquelle Donald Trump faisait passer des entretiens d’embauche à plusieurs candidats pour intégrer son entreprise. Une émission iconique pour son désormais célèbre "You’re Fired ! — ‘Tu es viré !'" lancé par l'ex-Président des États-Unis aux postulants éliminés.

Présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, The Apprentice peine pourtant à trouver un distributeur aux États-Unis. Même les plateformes comme Netflix ou Apple TV+ se montrent frileuses. La raison ? La menace de procès émanant du porte-parole de Donald Trump qui plane sur le film : "Les difficultés rencontrées pour obtenir un contrat de distribution s’apparentent à de la censure" a confié l’équipe de The Apprentice à Variety. À quelques mois des élections présidentielles américaines durant laquelle le candidat Républicain affrontera Kamala Harris, le contexte est d’autant plus houleux. Ce n’est pas le cas en France, puisque le long-métrage, distribué par Metropolitan FilmExport, sortira en octobre 2024.

Séduite par le scénario de Gabriel Sherman, la productrice Amy Baer a cherché un réalisateur avec un point de vue novateur et s’est arrêté sur Ali Abbasi, dont elle avait adoré Border. Par la suite, Gabriel Sherman et le cinéaste se sont rencontrés à Copenhague au printemps 2019 pour discuter du scénario : 'Il m’a notamment dit qu’il tenait à dénoncer le système autant qu’à mettre en lumière des personnages – et ça m’a vraiment parlé", relate le scénariste.

Le scénario a été écrit par Gabriel Sherman, un ancien journaliste politique spécialiste de la droite américaine pour le New York magazine et qui a eu l’occasion de rencontrer Donald Trump à plusieurs reprises. Il s’est alors rendu compte à quel point Roy Cohn avait pu être un outil de taille dans sa course à la Maison Blanche et c’est ce qui l’a incité à relater cette histoire : "Un jour, je me suis rendu compte qu’il y avait un vrai potentiel cinématographique dans cet ‘apprentissage’ du jeune Trump conduit par son mentor Roy Cohn", confie Gabriel Sherman avant de poursuivre : "Cohn lui a appris à s’exprimer et à se servir de méthodes peu scrupuleuses pour conquérir le pouvoir".

The Apprentice est le premier film en anglais de l’irano-danois Ali Abbasi, réalisateur de Border, qui a remporté le prix Un Certain regard à Cannes en 2018 et des Nuits de Mashhad, qui a récompensé l’actrice Zar Amir-Ebrahimi lors de ce même festival, en 2022.

Ali Abbasi a filmé la période des années 1970 avec une 16 mm et au format VHS pour les années 1980.

L’inspiration première de The Apprentice est le Barry Lyndon de Stanley Kubrick puisque l’histoire de cet Irlandais, peu recommandable cherchant à s’enrichir parmi l’aristocratie européenne du XVIII siècle peut rappeler l’ambition de Donald Trump. Le réalisateur a également pensé à Macadam Cowboy et Boogie Nights. En outre, la relation entre Roy Cohn et le futur magnat convoque indubitablement une référence au Frankenstein de Mary Shelley.

Alors que le scénario était déjà bien avancé, la pandémie du Covid-19 a mis un frein à la production, puisque durant trois mois, les financements des films étaient quasiment à l’arrêt. C’est la raison pour laquelle Ali Abbasi a mis de côté The Apprentice pendant cette période pour se consacrer à un autre de ses projets, Les Nuits de Mashhad, sorti en 2022. Après le confinement, grâce au producteur Daniel Bekerman, The Apprentice a pu être tourné au Canada.

Si Donald Trump a régulièrement été caricaturé dans des sketchs par des acteurs comme Alec Baldwin et même Meryl Streep, il ne s’agissait pas ici de le moquer. Au contraire, pour Ali Abbasi, il fallait montrer un jeune Trump ambivalent, séduisant, peu sûr de lui au début mais très ambitieux. C’est la raison pour laquelle il a immédiatement songé à Sebastian Stan, qui s’est totalement immergé dans le personnage en compulsant de nombreuses archives des années 70-80.

Ce n’est pas la première fois que le personnage de Roy Cohn est représenté dans des films. Homosexuel refoulé qui meurt du Sida dans la célèbre pièce Angels in America de Tony Kushner, Mike Nichols l’a portée à l’écran en 2003, avec Al Pacino dans le rôle.

Le tournage de The Apprentice a eu lieu à Toronto de décembre 2023 à janvier 2024 après une longue période de préparation.

Très vite, l’équipe a été consciente qu’un mauvais maquillage pouvait faire glisser le film dans la parodie, ce qui n’était pas l’intention du réalisateur. Une fois la bonne tonalité trouvée en matière de maquillage et de coiffure, il fallait deux heures chaque matin pour transformer Sebastian Stan.

Ali Abbasi s’est entouré de chefs de poste canadiens et européens, non pas pour recréer exactement une époque, mais pour en dégager l’ambiance, les enjeux, comme il l’explique : "Ce que je reproche à la plupart des reconstitutions historiques, c’est qu’elles sont trop sages" dit-il avant de poursuivre : "Ce côté très lisse vous détache du contexte historique et de l’esprit de l’époque. On voulait proposer la version punk d’un film d’époque si bien qu’il fallait conserver une certaine énergie, un certain état d’esprit, et ne pas trop s’embarrasser des détails".