On m'a vendu un biopic polémique et caustique, réalisé par un cinéaste hors du sérail -un danois d'origine iranienne- et je me retrouve devant un produit formaté de type Netflix. Le film n'a aucune personnalité, ne propose aucun de vue, et ce ne sont pas quelques impertinences à la fin qui relèvent le niveau.
Je n'aime pas les biopics en général, qui ignorent l'intime et ne font guère que du Wikipédia. Le film de Ali Abbasi, évoquant les années 70 et 80 de Donald Trump, c'est à dire juste avant sa construction de la Trump Tower et juste après, n'échappe pas au conformisme.
Empêtré, comme tout biopic, dans sa reconstitution d'époque, avec bande musicale adaptée, le film se divise clairement en deux parties. Une première, où le trentenaire Trump, dans ses petits souliers, requiert les services de l'avocat cynique et crapuleux Roy Cohn, présenté comme son mentor. Dans le rôle de Cohn, Jeremy Strong joue parfaitement ce qu'on lui demande de jouer: un type infect sans modération. La seconde partie coïncidera avec la réussite immobilière de Trump, entre audace et corruption, et son nouveau visage d'affairiste arrogant et parvenu.
Abbasi nous propose un portrait schématique et réducteur d'un homme puissant et appelé à le devenir davantage; son récit, pourvoyeur de "punchline" généralement grossières-de Cohn ou de Trump-, progresse en chemin balisé, ne nous épargne pas la rencontre avec la première épouse Ivana; et, si certains moments m'ont fait pensé à Scorsese, c'est précisément parce qu'ils sont terriblement en dessous de ce qu'aurait proposé un Scorsese en termes de manichéisme et d'ambivalence, d'arrivisme, de délitement conjugal, etc, etc...
Que raconte le film d'Abbasi que nous ne sachions déjà? Quelques anecdotes qui n'ajoutent rien, ou ne retranchent rien, à l'image et à la mentalité déjà bien connues et commentées de Trump. La faiblesse du film - qui n'est franchement pas un brulot ou un pamphlet- se mesure en définitive à son caractère absolument inoffensif pour Trump à la veille des élections de 2024.