Après avoir frôlé une interdiction totale, lors de sa sortie “Les valseuses” offusqua la critique bien pensante, Claude-Marie Trémois en tête (chef de la rubrique cinéma de Télérama à l’époque, détestant le 7ème art qu’elle résume au théâtre filmé et au drame psychologique) alors que son magazine attribue de nos jours, sous la plume éclairée d’Aurélien Ferenczi un “on aime beaucoup” (l’équivalent de quatre étoiles). Les excellents journaux Le Monde, Le Figaro et quelques autres (bande d’enfoirés) s’offusquèrent de concert sur le ton grossier et cru qu’ils assimilèrent à de la vulgarité, sans relever le nombre important de phrases qui deviendront cultes (par exemple « j’en ai marre qu’on prenne mon cul pour un moulin ») ou un étonnant dialogue comparant les arômes d’une petite culotte et celles du millésime d’un grand cru. Film volontairement provocateur, qui révéla au côté de Patrick Dewaere, Miou-Miou (sa compagne de l’époque) et Gérard Depardieu, il offre à Jeanne Moreau le rôle le plus intense et, quelque part, le plus spectaculaire de sa fin de carrière. Mais en dehors des révélations (Isabelle Huppert en plus des deux cités précédemment), Bertrand Blier montre déjà son incomparable sens du dialogue, des phrases chocs et des réparties qui sonnent. Ces qualités apparaissaient déjà trois ans plus tôt dans « Laisser aller, c’est une valse » de Georges Lautner, dont il était le scénariste et dialoguiste. Ce road movie tragi-comique est aussi une exploration sexuelle de la société française, bordée par l’amour libre venu de Californie, la libération post 68 et l’hypocrite grande bourgeoisie qui vont se faire pardonner le dimanche matin à l’église des bacchanales, ballets roses ou bleus de la veille (scandales enfouis de nos jours, car touchant trop de célébrités). Ainsi la femme de la micheline (Brigitte Fossey aux seins superbes) jouira dans les bras des deux compères avant de rejoindre, avec son bébé, son mari sur le quai de la gare. La frigide Marie-Ange (Miou-Miou) se révèlera à l’orgasme de manière inattendue (et qui annonce quelque part « Préparez vos mouchoirs »). Jeanne (Jeanne Moreau) prendra un dernier pied géant avant de tirer sa révérence. Jacqueline (Isabelle Huppert), seize ans à peine, perdra sa virginité (pas sur que ce détournement de mineur ne déclencherait pas un tôlé en ce début de vingt et unième siècle). Cette revue s’accompagne dune vision de la France étriquée de 1974, entre les vigiles de supermarché, les coiffeurs au port d’arme improbable, les pique-niques sur le bord du chemin à l’ombre d’une DS, etc… Passant avec aisance d’un décor à l’autre, du dérisoire au grave, de la comédie au drame, Le réalisateur, parfaitement accompagné par une musique géniale et on ne peut plus juste de Stéphane Grappelli, livre dès son deuxième film un très grand moment. La fin, espèce de morale vengeresse à deux balles est à mon sens une fausse note. Je préfère largement celle de la version US.