Emilie Noblet, pour son premier film, choisi de mettre en scène une prof et ses élèves. C’est la mode visiblement, de filmer le milieu scolaire et accentuant bien sur la dureté d’un métier difficile et ingrat, face à des élèves qui représentent, au mieux une cause perdue, au pire une menace. « Bis Repetita » dénote un peu, pour le coup, en mettant en scène une professeure qui s’en fiche. Car Delphine, elle s’en fiche de ses élèves, elle n’y croit plus, elle fait la fête tous les soirs, elle passe le temps en cours, elle touche son salaire en fin de mois et basta ! « Bis Repetita » est filmé de façon conventionnelle, le film est court, à peine 1h30, drôle, bien rythmé et il nous offre une jolie virée à Naples. La visite des ruines de Pompéi au petit matin, sans touriste, sous une douce lumière, donne furieusement envie d’y aller ! Les palaces napolitains sont magnifiques, le film se love dans un écrin qui donne clairement des envies de voyage. La seule chose qui n’est pas conventionnelle dans le film d’Emilie Noblet, c’est sa bande originale. Pour le coup, elle l’est, originale ! Le personnage de Rodolphe, latiniste très enthousiaste,
a enregistré un album de reprises en latin (quelle idée étrange quand même !), et la version de « Pour que tu m’aimes encore » de Céline Dion, en latin, c’est du jamais entendu !
Après avoir déjà incarnée une professeure chez Thomas Lilti il y a quelques mois dans « Une Année Difficile » (où elle était une professeure en souffrance), Louise Bourgoin donne cette fois-ci corps à une Delphine attendrissante. Bien-sur, une professeure démissionnaire qui se propose de tricher au lieu de travailler, ce n’est pas très politiquement correct ! Louise Bourgoin apporte à ce personnage le petit grain de folie qu’on lui connait, et elle le fait très bien. Xavier Lacaille, lui, est formidable. Dans sa thèse qu’il vient d’achever, ce latiniste enthousiaste se propose de redynamiser l’enseignement du latin en la traitant
non pas comme une langue morte mais comme une langue vivante (d’où Céline Dion).
Son personnage est touchant, tant d’enthousiasme naïf fait plaisir à voir. J’aime beaucoup cet acteur découvert dans la série « Parlement », où il tient un rôle pas si éloigné de celui –ci. Les adolescents qui entourent les deux personnages principaux ont parfois un peu de mal à donner le change, le jeu n’est pas toujours très fluide, mais ce n’est pas bien grave. Le scénario n’est évidemment pas crédible une seconde (pensez-donc, un téléphone tombé dans les toilettes ne peut pas remarcher après un séjour dans du riz !) mais ce n’est pas un problème. « Bis Repetita » n’est pas du cinéma-vérité sur la condition sociale des professeurs et leur reconnaissance, ce n’est pas un film qui dissèque la valeur intrinsèque de telle ou telle pédagogie. Ce n’est pas non plus une déclaration d’amour à l’Antiquité ou au Latin. « Bis Repetita » est une petite comédie sans prétention qui se veut un peu de tout cela, et aussi une ébauche de réflexion sur ce qu’est la « transmission ». La démotivation de Delphine percute de plein fouet l’enthousiasme débordant de Rodolphe. Son dynamisme, son côté volubile, sa naïveté réveille la jeune femme.
La petite histoire d’amour entre eux, un peu téléphonée et attendue, n’était pas forcément obligatoire. Mais c’est une façon de dire que Rodolphe ne réveille pas chez Delphine que des sentiments pédagogiques, il réveille des sentiments tout court.
Peu importe qu’on ait fait ou non latin au lycée (personnellement c’est un mauvais souvenir), le film d’Emilie Noblet est une petite comédie agréable qui fait du bien. C’est un film qui, essentiellement grâce au personnage de Rodolphe et au travail de Xavier Lacaille, donne la pêche !