C'est la co-scénariste Marika Lhoumeau qui a approché en 2015 Nathalie Saint-Pierre pour lui proposer un projet qu’elle avait initié à l’INIS (Institut national de l'image et du son situé au Canada) en 2011, inspiré par une histoire similaire survenue dans sa famille. La réalisatrice se souvient : "J’ai tout de suite été happée par le sujet, mais ce qui m’a d’abord et avant tout allumée, c’est son immense potentiel cinématographique : l’idée d’embrasser le regard d’une adolescente aussi singulière que Clara, et de la suivre à travers la ville, en donnant à voir sa transformation au fil de ses rencontres, alors que sa sensibilité évolue… c’est l’essence même du cinéma !"
À travers l'histoire de Clara, Nathalie Saint-Pierre voulait aborder le thème de l'endoctrinement. Pour elle, le phénomène sectaire était rare mais l'élection de Donald Trump en 2016 a modifié son point de vue : "le voir devenir une sorte de gourou pour autant d’américains a été un choc, et m’a fait réaliser que l’endoctrinement – qu’il soit religieux ou idéologique – prend toutes sortes de formes et affecte beaucoup plus de gens que je ne le pensais." Le sujet lui semblait être une bonne métaphore du climat social actuel : "On vit une époque de grandes fractures sociales, où il est très facile de vivre replié sur soi-même, et de se voir conforter dans ses convictions…"
Pour le rôle de Clara, la réalisatrice a visionné les essais de plus de 180 comédiennes pendant la pandémie, avant d'en rencontrer 70 lors d'auditions virtuelles. Elle n'avait pas eu de coup de cœur avant la toute dernière journée du casting, quand Lou Thompson est arrivée. Elle se souvient : "En moins de dix minutes, il était clair que j’avais devant moi LA perle rare que j’espérais, celle qui serait capable de rendre toutes les nuances du personnage si singulier et anachronique qu’est Clara, sans en faire une caricature maniérée non plus."
En accord avec la directrice de la photographie Nathalie Moliavko-Visotzky, la réalisatrice a choisi de tourner dans le format 2,39:1, "qui est un format d’image plus large, idéal pour les paysages, tout en sachant que notre paysage de prédilection allait être le visage de Clara."
La réalisatrice tenait à montrer une autre image de Montréal, en filmant des quartiers et des lieux moins connus, "comme les spectaculaires projections nocturnes sur les murs du Vieux-Montréal. Ça demande beaucoup de logistique, de recherche et de demandes de permissions auprès des artistes dont on découvre les œuvres en même temps que Clara. Mais c’était extrêmement important pour moi, car l’histoire de Clara, c’est ultimement celle de l’évolution de son regard…"
En vue d'embrasser le plus possible l'évolution de Clara et de coller à son actrice principale, la réalisatrice a décidé de réduire son équipe (une personne par département artistique, et le strict minimum à la technique). Une démarche renforcée lors du tournage des scènes en extérieur, qui ont été filmées avec une caméra légère et une équipe de 4 personnes, "ce qui nous a non seulement permis d’aller un peu partout dans la ville, mais aussi de saisir des événements sur le vif", explique Nathalie Saint-Pierre.