Contrairement à ce que peut laisser croire le titre, le film de Gance évoque tout autant Lucrèce Borgia que son frère César, célèbre fratrie dont le géniteur, au moment où s'ouvre le film, vient d'être élu pape sous le nom d'Alexandre VI.
Bien loin de l'exhaustivité, ce ne sont que quelques aspects de César Borgia, cruel et ambitieux, et de Lucrèce, mangeuse d'hommes, qu'aborde de façon maladroite Abel Gance. Certes, le film contient quelques manifestations du talent de Gance, essentiellement formelles, telles les scènes de foule,
y compris d'orgie (avec jeunes femmes aux seins dénudés! audacieux pour une film des années 30)
ou des plans s'inspirant des peintres allégoriques. Mais le film est tellement concentré sur les personnalités de César, comploteur jusqu'au fratricide, et de Lucrèce, volage et donc bien punie
quand elle deviendra amoureuse,
qu'il ignore l'Histoire. Il n'y a pas d'intrigue, juste les crimes de César et la tutelle jalouse qu'il exerce sur sa soeur. Et on sort du film sans avoir la moindre idée de l'action politique des Borgia ni de la situation italienne de la période.
Enfin, les portraits sont simplistes et univoques. D'ailleurs, comment croire, à voir jouer Gabriel Gabrio, si ce n'est dans les actes de son personnages, que César Borgia est un féroce? Les comédiens flirtent avec l'emphase, jouent comme au théatre un sujet qui apparait somme toute comme une tentative de pièce historique. A certains moments, on a le sentiment que Gance s'est moins intéressé à la nature profonde des personnages qu'à leurs costumes!