Avis sur La Roulette chinoise

Ah, ce bon vieux Fassbinder, cela faisait un petit moment (pour ne pas dire plusieurs années) que je n'avais pas vu un de ses films. Quoi de mieux que de remettre le couvert avec l'un de ses films les moins connus ? Autant le dire tout de suite, j'ai été vachement botté par cette « Roulette chinoise ». Nouvelle démonstration du style du cinéaste allemand. En effet, même lorsqu'il semble disposer de beaux décors intérieurs et extérieurs, le bon vieux Rainer trouve le moyen d'en tirer quelque chose que l'on ne distingue pas et d'en faire un film qui ne laisse pas « indemne ». Il n'y a qu'à le voir pour s'en rendre compte. Que c'est glacial. Que c'est austère. Fassbinder ne s'embarrasse pas avec de longs dialogues à n'en plus finir. Préférant opter pour les silences, les gestes. Et surtout pour les regards (parfois très accusateurs) que peuvent lancer les protagonistes. Tout est sombre. Aucun espoir, même infime de voir une quelconque lueur d'optimisme. Et la mise en scène va en ce sens. Exacerbant un peu plus le côté malsain émanant de l'oeuvre. Le grand sommet étant bien évidemment la longue séquence donnant son titre au film. Parfois à la limite du soutenable vues les accusations lancées. Et la fin, en queue de poisson et très abrupte achève tout ça sur une note carrément sépulcrale. « Roulette chinoise », en plus de marteler votre tête, est un film d'ambiance. Si vous n'adhérez pas, vous resterez sur le carreau. Si vous adhérez, vous allez voir un film qui va rester gravé longtemps en votre mémoire. Film âpre, peu facile d'accès, mais vraiment bon quand on arrive à en faire sauter le verrou.

Second film de Fassbinder que je découvre, Roulette Chinoise impose sans mal le stakhanoviste du cinéma allemand comme père spirituel de François Ozon.
A travers un scénario cynique d’une justesse redoutable (je ne dévoilerais rien pour préserver les surprises), Fassbinder nous prouve son immense talent de metteur en scène en nous plongeant en plein cœur d’un huis clos particulièrement malsain porté par les excellents Ulli Lommel et Anna Karina.
En somme, Roulette Chinoise n’est rien d’autre qu’une réflexion artistique (certaines séquences sont magnifiques et certains plans sont impressionnants) sur la fidelité et le mariage au sein d’une bourgeoisie infecte.
Superbe film qui m’impose sans mal Fassbinder comme cinéaste incontournable.

Un retour de Fassbinder aux sources artistiques, bien qu'on l'y reconnaisse encore aisément. Il a trouvé un beau terrain de jeu, un château qui s'avère parfait pour placer ses petits caprices de régisseur et une intrigue amoureuse un peu shakespearienne mais en tout cas saine (ce qui est beaucoup lui demander). La piste est intéressante et bien explorée jusqu'à ce que le scénario implique un jeu - la roulette chinoise - sorti de nulle part et qui ne rime à rien. Mais si c'est le prétexte choisi pour exprimer cet art étrange où le réalisateur a innové avec les nombreux plans tournants et la bonne musique de fond qu'il emploie, on peut passer outre. Et quoi qu'on en dise, Fassbinder est un homme de cinéma et il sait y faire. Même avec peu.

Putain ce film. Je dois avouer que pour une fois je l'ai plus pris parce qu'il y avait une actrice que j'adore que pour son réalisateur. Ben oui un film avec Karina, ça ne se refuse pas et même si c'est 10 ans après Pierrot le Fou.

Le film s'ouvre sur une scène somptueuse et le film ne sera jamais moins beau. Une femme mûre allumant une cigarette avec une belle musique classique en fond. C'est hypnotisant et en même temps excitant, érotique. Si le point de départ du film se révèle assez vite, le mari et sa maîtresse et la femme et son amant se retrouvent "par inadvertance" dans la maison de campagne du couple. Déjà là je me serai plus cru que Bunuel que chez Fassbinder. Mais lorsque la maîtresse est jouée par une Karina vieillissante, toujours aussi belle et qui a des yeux magnifiques (encore), c'est quelque chose.

Lorsque chaque scène est plus étrange, plus tendue que la précédente, c'est quelque chose. Et pourtant ce désir ne semble pas disparaître on voit le maître de maison passer de sa femme à sa maîtresse pour des câlins, des bisous dans le cou. Sublime. Parce que oui, on est chez Fassbinder, le bougre il a beau tourner vite, mais putain ses films sont d'une beauté saisissante tant sur la mise en scène qui va accentuer la tension, cette ambigüité, cette étrangeté que sur la photographie, belle, esthétique, sans jamais en faire de trop. On n'est pas dans un film d'esthète. On est dans un film de massacre.

Et le massacre va venir avec la fameuse Roulette Chinoise. Mais qu'est ce que c'est ? On connaît tous la roulette russe. Mais celle là semble bien pire, bien plus méchante, bien plus sournoise. Je ne révèlerai pas ce que c'est, mais putain, toute la scène de roulette chinoise enterre quasiment n'importe quel autre film en terme de huis clos tendus comme un string. Tarantino peut aller se rhabiller quand il veut (je le cite parce qu'il est connu pour créer des scènes assez étirées avec des dialogues longs pouvant faire monter la tension).

Ah c'est formidable. C'est réellement un film exquis et je pense qu'il a la faculté de pouvoir plaire à tous, difficile de rester de marbre face à l'intelligence du dispositif mis en place par Fassbinder pour nous faire ressentir l'intensité de la scène.

Bref c'est juste grandiose. Cela faisait quelques temps que j'avais arrêté Fassbinder, je vais peut-être reprendre.

Un film d'une grande noirceur. Fassbinder dépeint avec amertume les relations d'un couple déchiré par le handicap de leur jeune fille. Un jour la petite fille décide de rassembler malgré eux ses parents et leurs amants respectifs dans leur maison de campagne, ce qui sera l'occasion d'un règlement de comptes particulièrement violent. Utilisant le jeu de questions-réponses que suppose la roulette chinoise, et créant par là même le suspense de son récit, Rainer Werner Fassbinder observe avec un sens conjoint de la justesse et de la caricature l'explosion de la cellule familiale. Thème majeur de son oeuvre, reflet de sa propre expérience d'enfant délaissé par son père, il s'ajoute à la critique d'une certaine société bourgeoise, ainsi qu'à une profonde interrogation sur le sens du mariage. Le long métrage ne laisse personne indemne, ni les protagonises ni le spectateur. Tiraillé entre l'espoir de l'amour et la désillusion de la réalité, «Roulette Chinoise» révèle le pessimisme certain de son auteur et malgré tout sa soif de vivre. Un film plein de contradictions donc, comme avait pu l'être Fassbinder, porté par une esthétique incisive et épurée. Sans être l'un de ses meilleurs films, un long métrage tout à fait digne d'intérêt. [2/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/

Un mari et une femme infidèles accompagnés de leurs amants respectifs se retrouvent au même moment dans leur maison de campagne. Ils sont vite rejoints par leur fille et sa gouvernante, alors que sourd la menace d'un assassinat pour un motif mystérieux. D'un scénario plutôt prometteur, Fassbinder tire pourtant un film figé, beaucoup trop théâtral malgré la surabondance de jeux de miroirs, marque de fabrique du cinéaste. Le petit jeu perfide qui se déroule devant nos yeux est atrocement étouffant, et tourne finalement à vide : la tension, ici, est purement factice, elle n'a aucun enjeu, ne mène à aucune réflexion. Fassbinder semble vouloir mimer un peu Bergman ici, et cela donne un film sans vie, l'un de ses rares faux-pas de réalisateur.

Petite chose abjecte entre Bergman et Chabrol, et semblant même parfois être mise en scène par Fassbinder lui-même, ce film sinistre suscite plutôt le malaise qu'autre chose. Dans ses meilleurs films RWF savait nous faire entrer de plain-pied dans un quotidien sinistre avec des personnages tassés et peu aimables; il en résultait une forme d'empathie. Ici Fassbinder nous enferme avec eux et nous attendons une détente. Je ne vais rien dire sur le film car il n'appelle rien de particulier, ni haine ni affection. Nous y reconnaissons des habitués de la bande à RWF, Mira, Carstensen, qui ne sauraient être mauvaises, Spengler et Allerson, cette fois-ci particulièrement incolores, ainsi qu'Anna Karina.

Ce film est une grande réussite. Huis-clos intimiste et psycho-dramatique. Le début pêche tout de même par un manque de rythme et quelques scènes sur-jouées mais tout cela se dissipe très vite, les imperfections s'estompent et le final nous offre un spectacle d'une intensité et d'une justesse rare. Ce film met en relief la nature humaine dans ce qu'elle a de plus basse, de puis suintante et de plus méprisable. Les interactions entre les personnages sont d'un cynisme et d'une cruauté froide et suggérée assez stupéfiantes. On vacille constamment entre désir, haine, rancœur refoulée, mépris et amour. Un vraie pièce de théâtre peignant la vie dans ce qu'elle a de plus sale et de plus vrai. Les acteurs sont pour l'ensemble très justes et la réalisation très soignée, la bande son est tout simplement magnifique et sert admirablement le propos. La fin parait énigmatique et sujette à interprétations. Un grand film.