Führer und Verführer
A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Joseph Goebbels est devenu l’éminence grise d'Hitler. Convaincu que la domination du Reich passe par des méthodes de manipulation radicalement nouvelles, le ministre de la Propagande contrôle les médias et électrise les foules. Au point de transformer les défaites en victoires et le mensonge en vérité. Avec le plein soutien du Führer, Goebbels va bâtir la plus sophistiquée des illusions, quitte à précipiter les peuples vers l'abîme. A lire ce pitch, on a l’impression que les 124 minutes réalisées par Joachim Lang, ne sont pas un biopic historique mais un reportage sur les autocraties qui supplantent aujourd’hui la plupart des démocraties de notre planète. C’est hélas une cruelle vérité et la phrase de Primo Levi qui conclut le film, c’est arrivé et cela peut encore arriver, résume à elle seule tout ce qu’on peut dire de ce effroyable témoignage. Jamais sans doute, à l’issue d’une séance de cinéma, je n’avais « entendu un tel silence » - si je puis dire -, dans la salle.
Le titre original, Führer und Verführer se traduit en français par « Guide et séducteur ». Le choc est terrifiant parce que le spectateur n’a jamais été aussi proche des dirigeants nazis, décryptés et mis à nu. Le film ne s’intéresse pas à l’image officielle véhiculée par Goebbels, souvent utilisée dans les documentaires et les films de fiction. Bien au contraire, il déconstruit cette image et révèle la vérité derrière le mensonge. Il nous plonge dans les coulisses de la propagande nazie, tout en refusant de reconstituer quoi que ce soit de l'Holocauste. Le cinéaste a passé des décennies à étudier tous les documents disponibles sur la propagande nazie. Aussi, les dialogues du film sont-ils basés sur des citations et appuyés par des sources solides. L’utilisation des images d’archives est virtuose, - comme d’ailleurs l’ensemble de la réalisation -, le montage très serré donne un rythme nerveux à ce biopic glaçant soutenu par une magnifique musique de Michael Klaukien. Ne ratez pas cette véritable pépite historique qui se révèle, hélas, étrangement d’actualité.
Un dernier mot pour souligner les performances des R. Stadlober, F. Karl, F. Weisz, Dominik Maringer, Moritz Führman, Till Firit et de tout le casting qui savent nous faire partager la folie meurtrière du pouvoir nazi. Mais, avant tout, cette œuvre tisse un lien étroit avec notre époque où les extrêmes usent du mensonge pour convaincre les masses, en rappelant la puissance politique que représentent l'information et ses manipulations. Eprouvant, implacable, terriblement didactique et d’utilité publique. A montrer dans tous collèges et lycées.