"Kartik lost and found" par Adrien Gombeaud
Kartik Singh est mon ami depuis vingt-cinq ans environ. Et depuis vingt-cinq ans environ, Kartik tourne des films courts et longs. Il filme les lieux qu’il aime, des gens qu’il croise, et il ne s’arrête jamais. Il n’y a pas de mauvaise raison d’aimer un film, surtout pas l’amitié qui vous lie à son auteur. A mes yeux très subjectifs, dans « Paris Lost and Found », Kartik dresse le bilan d’une démarche artistique et personnelle qui aura structuré sa place, sur cette Terre comme dans le cinéma, au cours de ces deux décennies.
Le film se déroule de nos jours. Cependant, jusque par son prénom, son héros Curtis ressemble au jeune Kartik que j’ai connu. Comme Kartik, Curtis arrive du Kansas à Paris en poursuivant un rêve de cinéma. Ici commence la fiction. Curtis espère retrouver Pierre Bertrand, un metteur en scène oublié de la plupart des spectateurs mais qui, pour quelques afficionados, a su cultiver autour de sa personne l’aura des grands absents. Tourné en noir et blanc, « Paris lost and found » retrace l’enquête de son héros et ses rencontres dans divers lieux de la capitale. Au fil de ce trajet, on comprendra que Curtis voyage autant pour rejoindre un maître mystérieux que pour fuir l’autorité d’un père aimant resté au Kansas.
Autoportrait masqué, « Paris lost and found » déploie aussi, comme son titre l’indique, un panorama passionné de Paris. Kartik affronte les lieux les plus pittoresques de la capitale : la tour Eiffel, les quais de Seine, Saint Germain des Près… nous sommes dans les rétines émerveillées d’un jeune Américain fraîchement débarqué. Ces endroits paraissent néanmoins curieusement déserts, débarrassés du brouhaha touristique qui les entoure habituellement. Kartik offre à Curtis son rêve américain : être le seul visiteur étranger dans la ville la plus visitée du monde. Être loin de chez lui… enfin !
Au fil de son scénario, comme de l’évolution de son personnage, « Paris lost and found » deviendra moins une étude sur la ville que sur ses habitants. Le Parisien, race française détestée, est ici croqué avec tendresse. Le film cerne notamment cette particularité de la capitale : chacun y est enthousiaste à l’idée de faire des films… à l’exception notable de ceux qui en font. Dressé comme un totem au bout de ce chemin, Pierre Bertrand figurera l’incarnation même de ce paradoxe parisien.
Curtis, lui, restera un étranger puisqu’il continuera à croire encore au cinéma comme rapport optimiste au monde et à ses prochains. La fin de « Paris, lost and found » fond ainsi définitivement Curtis et Kartik en un seul et même personnage. Le jeune homme perdu du Kansas a trouvé en lui ce Parisien qui a choisi de faire du cinéma non pas une profession, ni même un art tout court, mais un art de vivre.
Adrien GOMBEAUD
Critique de cinéma à Positif et aux Echos
Paris 27 /10 / 2023