Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024 et a remporté la prestigieuse Palme d'Or.
Anora est une variation autour du mythe de Cendrillon, cher à Sean Baker puisqu’il avait déjà fait une relecture du conte dans Tangerine (2015).
Sean Baker a laissé une grande place à l’improvisation, quitte à donner simplement un descriptif des scènes à ses acteurs, comme l’explique Mikey Madison : "Quelquefois, le scénario comportait un paragraphe disant ‘Ani est dans le club et elle va à la rencontre des clients’. Et c’était à moi d’incarner la scène et de lui donner de la chair." Le but étant de faire vivre certaines scènes en temps réel, et de créer une ambiance quasi-documentaire.
Le tournage d’Anora a débuté en janvier 2023 à New York pendant 37 jours, et s’est poursuivi durant 3 jours à Las Vegas, au Palms Hotel and Casino, où Sean Baker a pu obtenir une autorisation de filmer. Dix jours de tournage ont également été consacrés à la scène de violation de domicile, qui dure 25 minutes à l’écran. Si l’ambiance était bon enfant, l’équipe a dû faire face à quelques contraintes, comme la météo — ils ne disposaient que de huit heures de soleil par jour, en raison de l’hiver — et des acteurs s’exprimant dans différentes langues !
Dans le club à l’ouest du Midtown de Manhattan où a été tourné une partie des scènes, certaines surfaces étaient vides. Le chef-décorateur Stephen Phelps a alors eu l’idée de rajouter des guirlandes rouges, pour créer de la fantaisie. Le résultat s’est montré plus que concluant : "Quand Drew Daniels a tourné le plan à la Dolly, les miroirs de la pièce et les éclairages ont reflété tout ce rouge", note-t-il.
Anora s’inspire des Pirates du Metro, de French Connection, du cinéma italien et des films comme Le Mépris de Jean-Luc Godard, pour son usage de la couleur.
L’histoire d’Anora est partie de la vie de Karren Karagulian, l’acteur fétiche de Sean Baker depuis son premier long-métrage, Four Letter Words (2000). Les deux hommes se sont d’ailleurs rencontrés 30 ans plus tôt, à l’Université de New York. Le comédien est marié à une femme russo-américaine de Brooklyn, qui a des attaches avec la communauté russophones de Coney Island. Le réalisateur a mis ensuite un an à élaborer l’intrigue, qu’il a construite pour Karagulian.
Sean Baker a tourné son film en 35 mm avec des optiques anamorphiques, afin de se rapprocher de l’esthétique du cinéma des années 70. En effet, le cinéma italien, espagnol, japonais, mais surtout le Nouvel Hollywood l’ont beaucoup inspirés. Pour cela, le réalisateur a fait à nouveau appel à son chef opérateur Drew Daniels, avec qui il avait déjà travaillé en 16 mm sur Red Rocket. En outre, ils ont omis le plus possible la caméra à l’épaule, pour privilégier un point de vue réaliste et objectif.
Une fois que Sean Baker a choisi ses acteurs, il a réécrit le scénario sur-mesure pour eux et a même rajouté des scènes à Mark Eydelshteyn.
Sean Baker a fait la connaissance de Mark Eydelshteyn, qui incarne Ivan, grâce à un autre acteur du film, Yuriy Borisov. Alors que les deux acteurs tournaient ensemble, Yuriy a parlé du projet à son partenaire et lui a conseillé d’enregistrer une vidéo pour une audition. Le hic ? Mark Eydelshteyn ne parle pas un mot d’anglais ! Mais il s’est apparemment bien entendu avec Sean Baker au cours de leur premier rendez-vous sur Zoom et le réalisateur lui a demandé d’enregistrer une scène. Sachant qu’il avait peu de chances de son côté, l’acteur a tenté le tout pour le tout, comme il le raconte :
"Pour Ivan, la vie est facile parce qu’il est très riche. J’ai donc adopté sa mentalité et j’ai tourné la vidéo au lit, entièrement nu. Je vapotais et je portais un chapeau russe. J’ai essayé de mélanger l’anglais et le russe, mais je parlais surtout russe. J’ai un peu dansé le rap. Et j’ai envoyé la vidéo à Sean. J’étais certain qu’il ne me retiendrait pas, mais j’ai été très heureux qu’il me confie le rôle."
Mikey Madison ne s’est pas contenté de jouer une partition, elle a longuement préparé son personnage en amont. Pour cela, elle a rencontré des spécialistes et s’est même plongée dans la vie d’une strip-teaseuse en plus des livres, vidéos ou des vlogs consultés. Ensuite, un coach l’a aidé à mettre au point d’accent d’Ani, typique de la région de Brighton Beach et, durant deux mois, elle a travaillé avec plusieurs entraîneurs (Pilates, barre, cyclisme, stretching) afin d’acquérir le tonus nécessaire pour rendre crédibles les scènes de pole dance.
La prostitution est au cœur de plusieurs longs-métrages de Sean Baker comme Starlet, Tangerine, The Florida Project et désormais, Anora. Loin de stigmatiser les prostituées ou les strip-teaseuses, le réalisateur s’attache plutôt à mettre en avant les personnages marginaux et à chercher à les comprendre.
Si Sean Baker avait déjà repéré Mikey Madison lors de sa courte apparition dans le Once upon a time... in Hollywood de Quentin Tarantino (2019), la production d'Anora s’est accélérée lorsqu’il a été voir le reboot de Scream, accompagné de son épouse et productrice, Samantha Quan. Mikey Madison les a tellement impressionnés que le couple l’a contacté : "Une fois que je l’ai rencontrée et que j’ai découvert qu’elle était une cinéphile en herbe, qu’on avait des goûts communs et qu’elle s’intéressait à mon projet, j’ai développé le personnage avec elle en tête", confie le réalisateur.