Anora est un film frappant à plusieurs égards.
Le film s'embarque sur un sujet épineux, abordé frontalement. Il a d'ailleurs reçu pour cela la palme d'or du célèbre festival, présidé cette année-là par Greta Gerwig... ?
Greta Gerwig justement... Anora s'inscrit dans une triade de films visionnés au cours du dernier mois : Barbie, The Substance & Anora. Bien que diamétralement opposés dans la forme, le scénario et autant le dire de suite, leur réussite, la portée du message de fond elle, prend racine à la même base :
Parler de la condition des femmes en société, mais aussi des regards, souvent déformants des femmes vis-à-vis d'elles-mêmes ou encore de celui porté par les hommes. Ces films évoquent également le champ des possibles, du rapport à notre condition initiale et la chimère d'un idéal de vie versant dans la profusion infinie.
Là où Barbie perdu entre désir et réalité se retrouvait terriblement inconsistant, bien plus régressif que subversif, The Substance quant à lui, réussissait avec plus de panache et de tenue, bien que trop près de ses citations.
Anora alors ? Ma séance s'est déroulée un peu à l'image de celle de The Wolf of Wall Street.
𝗗𝗮𝗻𝘀 𝘂𝗻 𝗽𝗿𝗲𝗺𝗶𝗲𝗿 𝘁𝗲𝗺𝗽𝘀, on prend le train en route, on découvre les personnages, l'univers ... Ses caractéristiques, ses outrances. On se prend au jeu. Une photo superbe, le film intrigue, sidère parfois et de façon tout à fait inattendue devient extrêmement drôle. Mais restons sur nos gardes.
𝗣𝘂𝗶𝘀 𝘃𝗶𝗲𝗻𝘁 𝗹𝗮 𝘀𝗲𝗰𝗼𝗻𝗱𝗲 𝗽𝗮𝗿𝘁𝗶𝗲 : Et comme pour The Wolf Of Wall Street, la salle s'est divisée en deux. Ceux décidés à ne pas lâcher la route du burlesque et du plaisir de surface (attention au retour de flamme) et ceux qui sentent venir les limites d'une telle abondance insouciante/inconsciente.
Lorsque les choses de la vie reviennent au galop, la désillusion n'en est que plus brutale, et c'est là que le film se révèle et brille sur sa faculté à ne pas tomber dans les pièges béants qui pavent pourtant son chemin.
Ici pas de misérabilisme, ni de pseudo-féminisme putassier. Le film confronte tous ses personnages principaux, dans leurs contradictions, leurs illusions et leurs actes. Il réunit alors un combo de protagonistes varié et complémentaire qui vont nous permettre à nous, spectateurs, en notre âme et conscience de tirer les conclusions de ce qui se joue devant nos sens.
Le rythme est soutenu, les acteurs campent magistralement leur rôle. Les cassures de tons sont subtilement gérées, parfois même au sein d'une seule scène. Les décors dépeignent avec détail une réalité à faces multiples.
Et c'est dans son geste final, que Baker dévoile son jeu. Un moment cristallisé qui déroule tout son argumentaire et met en perspective toute préconception de la liberté, des choix pour son esprit et son corps portés par une génération souvent perdue au milieu de forces contraires.
Est-ce que j'aurais donné ma palme d'or à Anora ? Probablement pas. Mais cela n'empêche que cette proposition arrive à un moment crucial, où la confrontation entre conservatisme et déconstruction aveugle fait rage. Une véritable zone grise dans un paysage bien trop marqué par le noir et le blanc.
Une première rencontre qui me laisse dans la perspective prochaine de découvrir le reste de la filmographie de Sean Baker.