Ayant été récompensé de la palme d'or à Cannes, "Anora" est un film qui se doit d'être vu. Pourtant, je ne suis pas forcément sûr que cette récompense va lui servir, principalement par rapport à ce qu'il propose. Certes, ce projet est plutôt intéressant et de qualité, mais je pense qu'il serait un peu présomptueux de juger celui-ci comme un grand film. Ce qui m'a fait apprécier mon visionnage ne vient pas des grandes qualités qu'il saurait mettre en avant, mais bien plus d'un ensemble assez cohérent, alors qu'il paraît extrêmement désordonné à première vue. Découpé en trois parties, le long-métrage emprunte donc trois styles différents au sein de son déroulé, et ils sont tous vraiment différents. Le premier va bien plus être de l'ordre de la romance, la fameuse rencontre de nos deux personnages. Cette introduction est probablement celle que j'aime le moins, car même si certaines séquences de dialogues sont bien amenées, le temps paraît vraiment long. On se demande quand va arriver l'élément perturbateur, et il tarde vraiment à venir. Cependant, quand celui-ci débarque, et que l'on entre dans la deuxième partie du long-métrage, c'est là que le projet commence réellement à surprendre. Se déroulant dans une temporalité qui se rapproche du temps réel, ce n'est plus le montage et la narration qui font vivre le film, mais bien les interactions entre nos personnages et le jeu de leurs interprètes. Nous sommes sur une partie qui frôle le réel, et les échanges s'avèrent particulièrement efficaces, avec beaucoup de petites doses d'humour assez maligne. On ne s'ennuie pas durant cette période, alors que l'on a complètement changé de ton, pour passer dans un style proche du buddy movie américain. Mais cela dit, tout sera redistribué lors de la dernière partie, qui tient bien plus de l'ordre du drame. Et je dois dire que c'est cette partie qui m'a le plus surpris, car elle amène tout l'intérêt de ce récit. Concrètement, toute l'histoire tourne atour du personnage d'Anora, et de son interprète, Mikey Madison. Sur le plan du jeu, elle est extrêmement douée, car elle ne laisse transparaître que peu d'émotions, hormis la colère et le désir. Et de ce point de vue, cette approche peut paraître un peu complexe à aborder, surtout si on essaie de nous faire attacher à cette héroïne. Mais ce qui est dingue, c'est que, même si on ne s'attache pas énormément à elle pendant une longue partie du film (on ne fait que suivre son histoire), la partie finale réussit à nous faire ressentir des émotions envers celle-ci. Traitant d'un contexte politique assez fort et la débauche d'une certaine partie haute de la population, le long-métrage exploite cette faille où deux personnes, de deux mondes différents, se rencontrent. Anora est donc le personnage du bas peuple, qui se sert de son métier pour tenter de toucher le rêve américain du doigt. Et ce point de départ, j'aime la manière dont le film la traite, comme si elle n'était jamais elle-même.
Ne faisant jamais appeler par son prénom, mais par un diminutif, c'est comme cela que la fin du film réussit à nous avoir. En laissant briser la carapace de notre personnage, on y découvre une âme qui s'avère plus sensible que prévu. Dans ce final, elle n'a pas réussi à encaisser le poids de ce monde, celui qu'elle pensait dompter afin d'arriver à ses fins. La scène a beau être maladroitement amenée, notamment, car la relation avec Igor paraît vraiment mal gérée, mais elle s'avère quand même assez touchante. Durant tout le film, il n'y a qu'une seule scène où Anora est elle-même, et c'est de loin la plus forte de tout le long-métrage.
Par conséquent, malgré un sujet un peu simpliste et des longueurs, le film sait pourquoi il s'appelle comme cela. L'intérêt principal de ce projet est son personnage principal, que ce soit au niveau de son interprète ou dans la manière dont le final vient conclure son arc. C'est une héroïne vraiment intéressante à suivre, et qui en dit long sur une grosse partie de la société américaine moderne. Donc même si le film a ses défauts, son casting, son mélange des styles et l'écriture de son héroïne rattrapent vraiment l'ensemble. Pour conclure, une belle surprise malgré tout.