Pretty Woman contre les gros nuls de la mafia russe. Une version du classique de la comédie romantique qu'on ne pensait pas voir (si ce n'est dans un film de série Z), encore moins se présenter au Festival de Cannes, et repartir avec la Palme d'Or. Mais que s'est-il passé ? Deux mots : Sean Baker. Grand habitué des festivals, le trublion revient encore une fois avec une comédie de mœurs pop, décalée, toujours surprenante, qui égratigne l'Amérique puritaine de l'intérieur. On suit l'idylle "express" d'Anora, une effeuilleuse de petite boîte de nuit où s'encanaille le gratin de New-York, et d'Ivan, un jeune russe très riche (merci papa) et immature, pour qui tout n'est qu'un jeu. Mais la famille n'est pas forcément d'accord avec cette union, et voilà que des sbires (dont un curé qui n'a rien à envier à Joe Pesci) sortis d'un cartoon vont débarquer pour... s'en prendre plein la tronche. Ce qu'on a pu rire, face à ces trois nuls qui n'ont pas les compétences ni le caractère de leur physique, ils sont ce qu'on retient de mieux, d'inattendu, de cocasse, dans cet Anora autrement un peu long sur la fin (la dernière demi-heure). Mikey Madison est flamboyante, donne de la tenue et un visage humain à un métier souvent déconsidéré (revoyez Red Rocket, Florida Project, ou encore Tangerine : Sean Baker aime redonner du respect aux personnes "de l'ombre"), et on s'arrête surtout sur le fait que Mark Eydelshteyn n'a pas eu la Palme d'interprétation masculine. Quelle hérésie. Lui qui arrive en une galipette sur son lit et en quelques glissades en chaussettes à nous faire comprendre que son personnage n'est qu'un grand gamin, et que tout va mal se passer, lui qui brille par sa niaiserie hilarante : on ne sait pas comment il a pu passer à côté du palmarès, dans cette catégorie exceptionnellement vide de toute concurrence (cette année). Idem, on est très sincèrement content pour Sean Baker, même si Anora n'était pas notre claque cannoise (on avait déjà une joue rougie par The Substance, l'autre par Emilia Perez), on espère que cela lui apportera un peu plus de visibilité dans les salles françaises (il le mérite). Ce Pretty Woman contre le KGB est un petit bonbon acidulé, résolument fun et pop, qui laisse briller ses vedettes, et dont les trois truands peureux et incapables nous ont fait vraiment beaucoup rire ("Maman, j'ai raté l'union !") ! Foncez le voir, vous ne serez pas déçu !