Clouzot livre ici un grand chef d’œuvre, un sommet du cinéma Français.
Beaucoup de choses sont excellentes : les dialogues très fignolés sont pleins de malices, les acteurs sont tous charismatiques (Paul Meurisse et Charles Vanel balancent sévère, Sami Frey et B.B. sont habités par leur rôles), la reconstitution de la cour d’assise est soignée.
Évidement, à certains moments, nous avons plus le sentiment de nous trouvez au théâtre ou devant un roman qu’au cinéma, mais la construction du récit en flashback, rendant du même coup le film si dense que l’on ne peut pas s’ennuyer, ni même d’ailleurs relâcher son attention une seule minute, fait un peu oublier cette couleur « littéraire » qui fait partie des tares critiquées en ces années soixante par la Nouvelle Vague, et qui est une tradition propre à l’académisme cinématographique français de l’époque que l’on serait finalement très satisfait de voir ressurgir sur les écrans de cinéma d’aujourd’hui !
Ainsi donc, face à ce rythme effréné, il faudra se montrer très attentif pour apprécier à leurs justes valeurs tous les moments de bravoure de ce film, que ce soit la joute impitoyable, mais quelques peu puérile, des deux avocats devant la cour d’assises ou les impertinences, avec toujours un fond de mélancolie, de la jeunesse du quartier Saint-Germain-des-Prés, ou pour appréhender les moindres ressorts de ce procès dont l’enjeu est somme toute assez simple, puisqu’il s’agira de prouver qu’elle (B.B.) était ou n’était pas véritablement amoureuse au moment de son meurtre.
Mais le plus impressionnant, c’est cette capacité que possède Clouzot de pouvoir rabattre les uns sur les autres des aspects de la réalité très éloignés (La justice, l’amour, la libération des mœurs, l’orchestration musicale, la frivolité de la jeunesse,), quitte à céder parfois à la caricature, pour dresser un portrait ramassé de la société, comme c’est également le cas avec d'autres de ses films, comme Le corbeau ou La prisonnière, ce qui fait de lui une sorte de moraliste des temps modernes. A ce titre, et dans un certain sens, je rapprocherais son cinéma d’avantage de Kubrick que de Hitchcock.
En tous cas, si les films d’aujourd’hui savaient en faire de même, le monde serait peut-être un peu meilleur !
Il faut par ailleurs signaler que c’est un film avec un potentiel de revisionnage considérable.