Quand il aborde le tournage de "The Policeman" de Daniel Petrie en 1980, tiré du livre témoignage de deux anciens flics (Thomas Mulhearn et Pete Yessitore) new-yorkais ayant travaillé au milieu des années 1960 dans le commissariat du 41e "Precinct" (le sud du Bronx), Paul Newman est depuis quelques années plongé dans une période difficile. Son dernier grand succès date de 1974 avec "La tour infernale", film catastrophe de John Guillermin et Irvin Allen où il a dû accepter de partager la vedette avec Steve McQueen. Après "La Castagne" de son ami George Roy Hill, il annonce un peu las, envisager sa retraite du métier d'acteur. A l'automne 1978, la perte de son fils Scott, victime d'une overdose, le plonge dans la dépression.
Il recommence pourtant à travailler avec Robert Altman ("Quintet") puis sans grande conviction avec James Goldstone pour un autre film catastrophe ("Le jour de la fin du monde») qui s'avérera être un échec cuisant au box-office. Quand lui parvient le projet de "Fort Apache, the Bronx", il est très emballé à l'idée de se confronter à nouveau à un sujet fort, entouré d'une équipe relativement inexpérimentée qui lui permettra de s'investir sans trop de pression sur les épaules. Une rencontre avec les deux auteurs et une immersion de quinze jours dans le quartier, permettent à Newman de saisir tous les enjeux du scénario écrit par Heywood Gould.
Cette chronique tournée sur place, relate le quotidien des flics d'un commissariat situé en plein cœur d'un quartier gangrené par la pauvreté, la violence et les trafics en tous genres. Sans pathos, Donald Petrie montre les différents subterfuges dont usent ces flics retranchés en territoire ennemi pour tenter de ne pas sombrer. Une solidarité quasi instinctive s'est installée tout comme une forme de dérision qui permet à certains de faire face à l'indicible mais aussi à la peur qui leur noue le ventre avant chaque sortie. La photographie très réaliste du grand chef opérateur John Alcott ("Orange mécanique", "Barry Lindon") rend parfaitement compte de l'atmosphère de fin du monde qui règne à l'époque dans un Bronx délabré où les pitreries de l'expérimenté lieutenant Murphy (Paul Newman) viennent en contre point de drames qui se jouent avec souvent la mort au rendez-vous.
Sans aucun doute moins abouti que "Les flics ne dorment pas la nuit" de Richard Fleischer en 1972, "Serpico" de Sidney Lumet en 1973 ou "The Seven-Ups" de Philip d'Antoni en 1973 dont il est une émanation, "The policeman" qui au contraire des films précités ne s'attarde pas sur la corruption qui gangrène l'institution, a le grand mérite de pointer la nécessaire subtilité que requiert le management de ces flics obligés d'entrer en empathie avec la population dont ils doivent assurer la sécurité alors qu'ils sont eux-mêmes des laissés pour compte de leur administration.
La description de l'arrivée du Capitaine David Conolly (Edward Asner) décidé à appliquer des méthodes livresques hors contexte constitue donc l'idée originale du film, rappelant que la gestion humaine est tout un art. S'il n'est pas sans défaut, notamment par son accumulation d'arrestations rocambolesques qui peut à la longue nuire à sa crédibilité, "The policeman" relance salutairement la carrière de Paul Newman et nous fait découvrir un tout jeune Ken Wahl dont on aurait pu penser que sa carrière serait plus brillante.
Un an plus tard, Newman rencontrera Sidney Lumet qui lui offrira l'un de ses plus grands rôles dans "The verdict" (1982). L'Oscar qui aurait dû lui revenir en 1983, lui sera attribué en 1987 pour le plus terne et convenu "La couleur de l'argent" de Martin Scorsese. Un peu tard, l'injustice avait enfin été réparée