Après avoir réalisé coup sur coup ses deux plus grands chef-d’œuvres ("French Connection" en 71 et "L’Exorciste" en 73), William Friedkin a enchaîné plusieurs films qui, si le temps leur a rendu honneur, ont été des échecs commerciaux : "Le Convoi de la Peur", "Têtes Vides Cherchent Coffres Pleins", "Cruising", "Le Coup du Siècle", "Police Fédérale Los Angeles" et "Le Sang du Châtiment". Un peu désorienté, Friedkin décide alors de retourner au genre qui l’a propulsé au firmament des réalisateurs adulés en nous proposant "La Nurse" : Un jeune couple s’installe dans une villa de luxe à Los Angeles. A la naissance de leur fils, ils décident d’engager une nurse à domicile, une beauté glaciale qui a vite fait d’intriguer le père. Cependant, la nouvelle nurse va bientôt bien plus attirer son attention de par d’étranges phénomènes survenant autour de la jeune femme... Il est évident qu’il doit être assez difficile de retourner à un genre après y avoir imposé le film le plus terrifiant de tous les temps : voilà cependant le challenge auquel William Friedkin a décidé de s’attaquer. Alors, résultat ? Et bien défi accepté et défi réussit...avec les honneurs ! Oui car, même s’il n’atteint pas les sommets du culte "L’Exorciste", "La Nurse" est un bon petit film traitant de surnaturel et ce, dès le début. Friedkin arrive à jouer sur plusieurs niveaux, multipliant effets et références qui n’échapperont pas aux plus cinéphiles d’entre nous : la première partie du film fait indéniablement penser à "La Malédiction", la deuxième (surtout pour le côté « nounou zarb à surveiller ») lorgne plus du côté de "La Main Sur Le Berceau", pour se développer et finir dans un conte à la fois macabre et onirique qui n’est pas sans rappeler "La Compagnie des Loups". Ce subtil mélange de genres arrive à tenir les spectateurs en haleine qui veulent absolument savoir comment tout va se terminer. Mais là où Friedkin va frapper fort, c’est en nous surprenant au plus au point lors de certaines scènes : tantôt gores (la rencontre entre la nounou et les zonards, l’attaque des loups ou encore le final faisant directement penser à "Evil Dead" !!), tantôt racoleuses (la « régénération » sur l’arbre) et parfois dérangeantes (les visages d'enfants gravés dans l'écorce des arbres). Mais toutes ces scènes surprenantes ne sont au final qu’un ensemble de démonstrations évoquant l’un des thèmes du film : la nature possède une vraie force et elle reprend toujours ses droits sur l’homme en lui rappelant son omniprésence autour de lui (à ce titre, le meilleur exemple reste le très esthétique travelling de l’épilogue partant de la famille réunie dans la chambre jusqu’à un hibou sur un arbre occupant presque la totalité du cadre). Cependant, malgré la mise en scène soignée et les bonnes idées, je ne peux m’empêcher en regardant "La Nurse" d’éprouver un sentiment d’ « inachevé » tant on peut observer de nombreux faux-raccords : se pourrait-il que Friedkin ait voulu faire partir son film dans une direction qui n’aurait pas plu à ces producteurs et que ces derniers l’est obligé à remonter le film ? Tout est possible à Hollywood, surtout quand on sait qu’un film n’appartient pas à son réalisateur et que ce sont les producteurs qui ont toujours le « final cut ». Il s’agit donc là du seul reproche que je pourrais faire au film (hormis celui de ne pas être encore plus bourrin et gore, mais allez savoir : les deux sont peut-être liés !!).
"La Nurse" est donc un bon petit film fantastique qui ravira les amateurs de genre avec son intrigue originale baignant dans le surnaturel. Certaines scènes sont inquiétantes et l'ambiance générale est plus qu’oppressante. Certes, "La Nurse" ne révolutionne pas le genre comme l’a fait son grand frère "L’Exorciste", mais il est suffisant intéressant pour vous faire passer un bon moment, surtout pour une soirée ciné dans le noir.