Contre la montre
A part un film fantastique original et intéressant Insensibles en 2012, Juan Carlos Medina n’avait réalisé que pour le petit écran. Il revient donc dans les salles obscures avec ce polar glaçant au dénouement surprenant… ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Nord de la France, 2005 : Malik, inspecteur de police, assiste impuissant à la mort d’une enfant suite à un kidnapping. En charge de l’enquête, il échoue à retrouver le meurtrier. DIX ANS PLUS TARD, sans élément nouveau, sans trace d'un dangereux criminel qui court toujours, l'affaire s’apprête à être classée définitivement. Mais quand de nouveaux faits en lien avec l’affaire se révèlent, Malik entame une course contre la montre dans l’espoir de résoudre l'enquête avant l’expiration du délai de prescription. Dans Six Jours. C’est le temps qui lui reste pour retrouver le coupable. 101 minutes au fond de son fauteuil pour ce thriller qui ferait presque penser au grand Melville.
Un scénario diabolique, une réalisation virtuose, des acteurs plus que convaincants et une manière d’interroger les rapports entre vérité et justice qui ne peut laisser insensible. L’histoire tient parce que l’affaire se déroule il y a près de dix ans, car la loi sur la prescription a changé en 2017, la passant de 10 à 30 ans pour ce genre de crime. La digue de Braek, à Dunkerque, longue bande de bitume avec un phare au bout, conçue pour protéger des tempêtes le complexe sidérurgique Arcelor Mittal à proximité, devient en quelque sorte, le noyau, là où se déroule la tragédie qui marque à vie la mère et le flic. On voit donc le soin apporté au moindre détail dans l’élaboration de cet excellent film. Un coup de chapeau au passage à Renaud Chassaing, le chef opérateur, qui a obtenu une image brumeuse qui tranche avec la force d’une palette chromatique assez sombre. En autopsiant les liens qui peuvent unir victimes et enquêteurs, ce film est captivant et vaut franchement le détour. Et le casting n’y est pas pour rien…
Sami Bouajila, dans son meilleur rôle à ce jour, incarne avec force et justesse ce flic désabusé, épuisé par un métier qui l’expose de manière hors normes à la monstruosité humaine. Julie Gayet, que je n’avais pas vue autant à son avantage depuis longtemps lui donne une excellente réplique tout comme Philippe Resimont, Yannick Choirat, Marilyne Canto, Gilles Cohen… Paradoxalement, il aura fallu un réalisateur américain d’origine espagnole pour redonner ses lettres de noblesse au polar français. Merci à lui.