"C'è ancora domani" a une valeur quasi documentaire et historique sur les violences au sein de l'a cellule familiale , survivances d'un modèle patriarcal malheureusement toujours ancré dans les coutumes de nos sociétés, si "civilisées" soient-elles.
" Il reste encore demain " prend racine dans une Italie défaite, au lendemain de la seconde guerre mondiale et s'ouvre sur une gifle, celle que reçoit Delia,administrée du revers de la main par son mari Ivano, dès les premières lueurs du jour de probablement parce qu'elle ne s'est pas réveillée avant lui. Puis, naturellement, comme si rien ne s'était passé, Delia s'active, s'oubliant dans la banalité du quotidien, celui d'épouse asservie à un mari violent, à un beau-père abject, de mère dévouée à des fils insupportables et à sa grande fille, victime également de la violence paternelle.
A l'extérieur Delia est digne, marche d'un pas assuré et la tête haute, lorsqu'elle participe à la survie financière du ménage en reprisant des sous-vêtements, réparant des parapluies ou faisant des piqûres. Surtout, Delia sourit lorsqu'elle croise Nino, son amour de jeunesse éconduit trente années auparavant pour épouser Ivano ; elle sourit à sa fille, sur le point de se fiancer rêvant pour elle d'un mariage heureux d'une vie meilleure.
C'est cette "normalité" avant l'espoir, que filme Paola Cortellesi, l'acceptation, les humiliations les coups, le regard des voisins qui savent et se taisent. Mais cette "normalité", le destin inéluctable de celles qui n'ont pas eu de chance, la réalisatrice le met en scène dans un beau noir et blanc qui rappelle avec force le cinéma réaliste italien d'après guerre, mais également avec un ton décalé, invitant la fantaisie, l'humour et, parfois même, la métaphore poétique dans son récit. Par instants déroutants, par exemple la scène où la violence se transforme en une sorte de choŕégraphie entre les deux époux, les épisodes les plus graves en séquence de comédia dell arte, voire de bouffonnerie tant le personnage du mari est ridicule : "Ce qui m'intéressait, c'était de représenter ces hommes qui sont les méchants de cette histoire comme des idiots, des crétins. Parce que souvent les méchants sont très fascinants. On aime bien le gangster, le rustre. Il reste fascinant pour celui qui les regarde souvent. J'avais envie de personnages qui fassent peur, représentent un danger, une dureté, la violence, mais en même temps qu'ils soient complètement idiots"
il y a donc dans ""C'è ancora domani"" un curieux, mais déroutant mélange de tons, de styles auquel nous ne sommes pas accoutumés et qui lui confère un côté excentrique ; il nous rappelle un peu le cinéma enlevé de Roberto Benigni où la légèreté et l'optimisme des êtres permet toujours d'entrevoir une infime lueur d'espoir, parce qu' "il reste encore demain"
C'est finalement cette hybridation qui continuera de porter cette chronique de l'Italie d'après- guerre, dans toutes ses dimensions -le politique viendra également s'en mêler-, pour aboutir à un final inattendu et émouvant.
Une journée qui commence, qui continue comme ça, comme si rien ne s'était passé. Parce que la gravité de cette chose, c'est que des vies ont été vécues et le sont encore comme si rien ne s'était passé. C'était accepté à cette époque-là. .