Le succès prodigieux de Il reste encore demain, en Italie, ne saurait s'expliquer uniquement par sa résonance dans l'air du temps, avec son farouche engagement féministe. Non, il y a aussi du cinéma, et de l'excellent, tant dans le scénario, les dialogues, la réalisation et l'interprétation de ce phénomène transalpin. Le ton en est intelligemment hybride, comme un condensé brillant de tout ce que le cinéma italien a produit de meilleur ces 80 dernières années, disons, avec un mélange remarquable de néo-réalisme, de comédie et de mélodrame. Le début du film est volontairement quasi caricatural concernant la condition féminine dans l'immédiat après-guerre, avec une héroïne qui subit les coups d'un mari qui applique à la lettre une tradition patriarcale séculaire. La suite, synonyme d'émancipation, sera bien plus subtile qu'attendu, Paola Cortellesi, la réalisatrice, imposant un regard très personnel pour décortiquer les mécanismes de la violence, la chorégraphiant même pour en extraire l'essence rituelle. Elle use aussi, avec parcimonie, de musiques actuelles, donc anachroniques, pour donner un côté intemporel et par là même universel à l'existence de son personnage principal. Et quel formidable suspense, au final, sur une fausse piste qui se révèle géniale. Le noir et blanc est sublime et accompagne cette histoire très marquée historiquement mais qui s'en affranchit avec virtuosité, sans pour autant imposer son message avec lourdeur, tout au contraire. Paola Cortellesi, célèbre en Italie en tant qu'actrice mais aussi présentatrice, humoriste et chanteuse, s'est offert un rôle en or qu'elle illumine mais c'est la primo-réalisatrice qui doit être saluée pour un film qui mérite mille fois de rencontrer un grand succès de ce côté-ci des Alpes.