Nous sommes au printemps 1946 dans le Testaccio, un quartier populaire du sud de Rome. Delia (Paola Cortellesi) y vit sous l’emprise de son mari, Ivano (Valerio Mastandrea). Elle élève sa fille aînée qui est sur le point de se marier, au risque de reproduire les erreurs que sa mère a commises, et deux garçons turbulents. Son mari, aussi machiste que violent, la bat comme plâtre au vu et au su de ses trois enfants et de ses voisins qui n’y peuvent mais. Delia rêve à la vie qu’elle aurait pu avoir si elle avait épousé Nino, le mécanicien qui l’avait courtisée plus jeune et qui est toujours épris d’elle. Dans quelques jours se tiendra le référendum qui marquera la fin de la monarchie en Italie et auquel les femmes auront, pour la première fois, le droit de participer.
"Il reste encore demain" nous vient d’Italie où il a rencontré un succès époustouflant. Sorti en octobre dernier, il y est devenu un phénomène de société, plébiscité par plus de cinq million d’entéres comme le proclame triomphalement son affiche française, au risque d’en faire son principal argument de vente. C’est le premier film de Paola Cortellesi, qui y interprète le rôle principal.
C’est un film étonnant, qui mérite amplement son succès.
C’est bien sûr au premier chef un film féministe, dont la sortie en France coïncide opportunément, à quelques jours près, avec la Journée internationale des droits des femmes. Le sort de son héroïne brise le cœur. Sa résilience suscite une empathie immédiate. La conclusion du film, qu’on imaginait se diriger gentiment vers une fin attendue, surprend et, à la réflexion, convainc.
Mais c’est surtout un film remarquablement mis en scène, qui fait preuve d’une maîtrise étonnante pour une première réalisation. C’est un film en noir et blanc et en format carré, qui convoque par son esthétique les grands classiques du néo-réalisme : Delia occupe un logement similaire à celui de l’héroïne de "Bellissima" de Visconti et, comme elle, administre des piqûres à domicile à ses patients. Comme Sofia Loren dans "Une journée particulière", elle étend son linge sur les toits plats de Rome, avec le monument à Victor-Emmanuel II en arrière-plan.
Mais c’est pour autant un film très contemporain qui emprunte à plusieurs genres : au naturalisme, au thriller (la dernière scène est construite autour d’un suspense haletant) et même à la comédie musicale. La musique, très riche, fait le pari – que je trouve moyennement convaincant – de l’anachronisme.
Un aspect du film m’a chiffonné. Ses personnages sont monolithiques : Ivano, comme son père, y est unanimement détestable, Delia, comme sa fille, y est totalement admirable. Cette caractérisation prend en otage le spectateur, condamné à haïr Ivano et à prendre fait et cause pour Delia, autant qu’il prive le film d’une grande partie de sa subtilité.