Preuve de la vitalité d’un cinéma italien en pleine mutation et renouveau, « Il reste encore demain » est une proposition de cinéma originale et peu commune dans le paysage cinématographique mondial. À cheval entre passéisme et progressisme, empli de considérations d’époque qui résonnent tout autant actuellement et doté d’un aspect visuel courageux puisque le long-métrage est en noir et blanc et dure près de deux heures tout en restant circonscrit les deux tiers du temps à un petit appartement en sous-sol, il détonne clairement mais charme surement. Et, contre toute attente, il sort chez nous car il a été un triomphe l’an passé dans les salles italiennes en réunissant plus de cinq millions de spectateurs, l’équivalent chez nous du carton actuel « Un p’tit truc en plus » mais avec une œuvre bien plus exigeante et moins facile d’accès. Enfin, en apparence puisqu’il pourrait plaire au plus grand nombre. Et on doit ce succès à une vedette télévisuelle célèbre de l’autre côté des Alpes mais totalement inconnue chez nous : Paola Cortellesi. Elle a écrit le film, le réalise et joue également le rôle principal pour un succès admirable et mérité.
La force du film est sans conteste de traiter de sujets lourds avec une légèreté, une acuité et une simplicité qui confinent au génie. En effet, « Il reste encore demain » est une charge non dissimulée (et très à la mode partout en Occident depuis quelques années) contre le patriarcat. Cortellesi situe son film à une époque charnière, juste après la Seconde Guerre Mondiale. Une période où les hommes sont maîtres et où les femmes n’ont pas mot au chapitre et sont juste bonnes à être des nourrices et domestiques de maison. Femme battue et déconsidérée tout autant que mère aimante et courageuse, à qui on prend son salaire et qui n’a pas le droit de s’amuser, le portrait est lourd mais pas si éloigné de la réalité de l’époque. Et Cortellesi incarne cette mère Courage avec un bel aplomb. Et la force du film est que cela résonne de manière étrange avec notre époque où, plus de cinq décennies après, certaines traces du patriarcat sont encore là. Un beau cri d’espoir et de rappel qui prône l’émancipation féminine avec beaucoup de tact et de justesse en mettant le passé en perspective... Sur ce point c’est donc très réussi.
Le film regorge de trouvailles et tente souvent de sortir des sentiers battus et c’est tout à son honneur. Malheureusement tout ne fonctionne pas. Si le fait de montrer la violence conjugale sous forme d’une danse de salon frôle l’excellence, le fait d’apposer une bande originale en décalage avec l’époque est moins pertinent et la scène avec du hip-hop en fond sonore tranche trop et semble de mauvais goût. Pareillement, si « Il reste encore demain » alterne gravité, douceur, âpreté et légèreté, en privilégiant cette dernière, on s’attendait à plus rire et être ému, ce qui est le but premier de toute comédie dramatique. Parfois, le jeu des acteurs et les situations semblent également un peu poussifs et manquant de naturel, probablement pour honorer un certain âge d’or de la comédie italienne mais ça gêne un peu aujourd’hui. Quant au choix du noir et blanc, il est appréciable, permettant d’encore mieux nous transporter à cette époque quand le retournement de situation final est original mais pas si transcendant qu’il voudrait l’être. En somme, une bien jolie proposition qui parlera fortement aux femmes et aux personnes ayant vécu cette époque mais que de nombreux défauts mineurs viennent entacher.
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