« Il reste encore demain » mais, dépêchez -vous quand même d’aller voir ce film inoubliable, qui fait un tabac en Italie, et pour cause!
Dans la presse française, les appréciations en demi-teinte et un rien condescendantes montrent surtout que les critiques sont complètement passés à côté du film (ou du moins l’ont feint). C’est le premier film de Paola Cortellesi, humoriste et actrice très populaire en Italie qui tient le rôle principal. On ne peut pas trop en dire sans en gâcher le ressort malin sinon que, pour un premier film, c’est un coup de génie : inspiré, unique en son genre, et merveilleusement interprété et filmé. Il embrasse la cause féminine contre les masculinités toxiques passées, présentes et à venir, comme aucune « metoouillerie » larmoyante et grandiloquente de ces dernières années n’a réussi à le faire. Le génie de son auteure est de nous prendre nous même au piège de notre propre conditionnement au narratif patriarcal romantique. Je pense que beaucoup de ces messieurs et dames qui écrivent dans les journaux et causent dans le poste ne lui ont pas pardonné de leur avoir appris qu’ils n’étaient peut-être pas aussi clairs qu’ils le croyaient en matière de féminisme. L’œuvre est véritablement magistrale mais son intelligence ne peut que déplaire aux bienséants du prêt à penser à la mode sur son sujet, du coup ils lui ont inventé des défauts de mise en scène ou de réalisation, en toute mauvaise foi. Dans ce film, à la fois poignant, désespéré et drôle, dans la pure tradition de la comédie populaire italienne, tout est minutieusement orchestré, jusqu’au final, (comme un boléro de Ravel cinématographique) et la violence volontairement « euphemisée », y devient un rituel symbolique. Ce ballet ou pantomime de la raclée conjugale banale, très controversé, est bien plus insoutenable que n’importe quelle scène réaliste de cinéma qui, toujours, échoue à rendre compte de l’atrocité d’un passage à tabac marital ordinaire, où le réel s’échappe derrière le faux bruit des coups et des cris, le faux rouge du sang, le faux bleu des cocards maquillés etc… Un film reste un jeu et, quite à jouer, autant être honnête et montrer qu’une scène de violence, même réaliste , reste une chorégraphie qui fait écran à l’horreur indicible du réel. Ici on n’a pas d’excuse pour se cacher les yeux, l’évocation laisse l’imaginaire (ou la mémoire) des spectateurs et spectatrices travailler -et c’est bien pire! Bravo à Paola Cortellesi, magnifique, intelligente, drôle et talentueuse, qui a donc tout pour faire des jaloux et des jalouses parmi les médiocres du politiquement correct.