D’une brûlante actualité sociale et politique
Moi aussi, j’ai mes a priori avant d’aller voir un film. De plus, j’ai une méfiance épidermique pour ceux qui nous arrivent précédés d’une réputation faite à coup de chiffres mirobolants. C’est le cas du drame écrit, mis en scène et interprété par Paola Cortellesi. 118 minutes plus tard, je rabats mon caquet et apprends, une fois de plus, que le public a souvent raison. En tout cas en Italie, cette comédie dramatique a réuni plus de 5 millions de spectateurs… Enorme ! Mariée à Ivano, Delia, mère de trois enfants, vit à Rome dans la seconde moitié des années 40. La ville est alors partagée entre l’espoir né de la Libération et les difficultés matérielles engendrées par la guerre qui vient à peine de s’achever. Face à son mari autoritaire et violent, Delia ne trouve du réconfort qu’auprès de son amie Marisa avec qui elle partage des moments de légèreté et des confidences intimes. Leur routine morose prend fin au printemps, lorsque toute la famille en émoi s’apprête à célébrer les fiançailles imminentes de leur fille aînée, Marcella. Mais l’arrivée d’une lettre mystérieuse va tout bouleverser et pousser Delia à trouver le courage d’imaginer un avenir meilleur, et pas seulement pour elle-même. « Pour une vie meilleure », voilà le credo de ce magnifique portrait de femme, vibrant et d’un actualité brûlante. A ne pas rater.
Si l’action se situe en 1946, ce n’est évidemment pas un hasard. C’est le moment précis où les femmes italiennes vont voter pour la 1ère fois. Ce récit, qui met en scène des femmes ordinaires, pourrait apparaître, tant la maltraitance et le poids du patriarcat étaient monnaie courante à cette époque. On assiste ici à la naissance d'une prise de conscience chez une de ces femmes. Et c’est passionnant et beaucoup plus subtil qu’on aurait pu le craindre en découvrant la psychologie pour le moins simpliste des personnages au début du film. Mais le personnage de Delia emporte tout sur son passage et nous entraîne dans son combat quotidien. Noir et blanc, esthétique néoréaliste, jeu parfois outré des protagonistes, tout est parfaitement assumé pour sa 1ère réalisation par la formidable Paola Cortellesi. Ce film est un tour de force et je comprends mieux pourquoi il a battu à plate coutures les blockbusters estivaux Barbie et Oppenheimer. Après un inquiétant trou d’air, le cinéma italien – qui a retrouvé ses studios de Cine Citta -, reprend de formidables couleurs… même en noir et blanc.
Paola Cortellesi est partout, à l’écriture, devant et derrière la caméra et, en plus, elle ne quitte pas l’écran. Une immense performance pour cette star italienne du petit écran et du one woman show. Elle magnifiquement entourée par une véritable troupe avec Valerio Mastandrea, Romana Maggiora Vergano, Emanuela Fanelli, et tous les autres. Cruel, drôle et sans concession, ce film est LE pamphlet utile et lumineux qui fait du bien. La cinéaste ose tout comme de transformer les scènes de violence conjugale en danse… hallucinant. On attend déjà le prochain Cortellesi qui vient de prendre place auprès de Garrone et Sorrentino.