Dis-moi juste que tu m'aimes : les secrets du tournage

Avec Dis-moi juste que tu m'aimes, Anne Le Ny voulait explorer un moment rarement montré au cinéma : ni la naissance de l’amour, ni sa fin, mais son "milieu". Elle confie : "En général, on parle du moment de la rencontre et de la passion ou de la rupture et du ressentiment. J’avais envie d’explorer ce qui se passe au milieu !"

La cinéaste décrit ce stade où un couple devient une "petite entreprise" gérant famille et obligations, où la routine s’installe, rendant nécessaire un second souffle. Ce contexte a donné naissance à Dis-moi juste que tu m’aimes, qu’elle définit comme un "thriller domestique", mêlant drame et tension psychologique.

La maison du couple Marie et Julien ne devait pas être un simple décor, mais un reflet de leur relation. Anne Le Ny voulait un lieu chaleureux en apparence, mais traversé par une tension latente : "Je disais qu’il me fallait une maison ancienne pleine de charme, mais avec 'la trappe de la cave au milieu du salon'". Cette trappe, menant à une chaudière instable, symbolise le danger sous-jacent qui couve sous l’équilibre apparent du couple. Par chance, l’équipe a trouvé une maison idéale correspondant exactement à cette vision.

Le film a été tourné en grande partie en Bretagne, notamment à Vannes. Si le choix du lieu correspondait parfaitement à l’histoire, il a aussi réservé des surprises climatiques à l’équipe. Trois grosses tempêtes ont frappé le tournage, dont une particulièrement violente lors d’une scène clé : "Pendant la scène où Marie a une crise d’angoisse sur le parking de son entreprise, la pluie battante a ajouté une intensité dramatique inattendue", se rappelle Anne Le Ny.

Si Omar Sy est habitué aux rôles de personnages solaires et bienveillants, celui de Julien lui demandait une approche plus intériorisée. L'acteur explique : "Ce que raconte le film sur le couple, le quotidien, les doutes et les combats qu’on livre pour maintenir le cap m’a intéressé. Je trouvais que Julien était un héros moderne qui se bat pour garder sa famille unie."

"Il se définit par une incroyable grandeur d’âme et, en même temps, par une faille infiniment profonde. Il est dans cette posture qui en fait un petit garçon blessé. J’aime aussi, dans l’écriture d’Anne, les non-dits et la retenue. Je n’ai pas l’habitude de jouer dans ce registre, mais j’adore « retenir les chevaux » et suggérer."

Dès le départ, la réalisatrice savait que Vanessa Paradis serait parfaite pour le rôle d’Anaëlle, l’ex qui réapparaît dans la vie de Julien : "Elle a un pouvoir de séduction immédiat, si bien qu’on se dit aussitôt en la voyant : 'c’est un danger'". Ce choix a permis de créer instantanément une tension chez le personnage de Marie, jouée par Élodie Bouchez. Pour renforcer cet effet, Omar Sy et Vanessa Paradis n’ont pas répété ensemble avant le tournage de leurs scènes, afin de préserver le mystère et l’émotion de leurs retrouvailles à l’écran.

José Garcia incarne Thomas, un personnage manipulateur et inquiétant. Contrairement aux méchants classiques, Anne Le Ny voulait que Thomas ne joue jamais la menace de manière explicite : "J’ai dit à José qu’il ne devait pas jouer les manipulateurs, mais être sincère en permanence". Son personnage se croit réellement bienveillant et ne comprend pas pourquoi Marie lui résiste.

José Garcia a puisé dans ses propres expériences avec des fans un peu trop insistants pour nourrir son rôle : "J’ai croisé quelques admirateurs qui, tout en étant gentils au départ, grignotaient peu à peu un espace qui ne leur était pas dédié."

Le compositeur Benjamin Esdraffo a travaillé en étroite collaboration avec Anne Le Ny pour accompagner la montée du thriller domestique. La musique joue un rôle clé dans le basculement du film vers le suspense : "Contrairement aux personnages qui peuvent mentir, la musique ne peut pas cacher ce que raconte vraiment la scène", confie la cinéaste. Ainsi, certaines séquences ont une musique qui contredit les dialogues, instaurant un malaise chez le spectateur.

Le Kintsugi, cet art japonais qui consiste à réparer les objets cassés en soulignant leurs fissures avec de l’or, est une métaphore clé du film. La sœur de Marie pratique cet art, et pour Anne Le Ny, il symbolise parfaitement la trajectoire du couple principal : "Cette histoire terrible qu’ils traversent va réveiller quelque chose chez eux et les obliger à modifier leur place à chacun". Au lieu de se briser, leur relation évolue, se renforce et trouve une nouvelle forme de solidité.