Ariana est traductrice dans une usine qui emploie des jeunes hommes étrangers et les mets dans des situations de plus en plus dangereuses, pour être toujours plus rentable... Un film d'autant plus glaçant qu'il ne se base que sur des témoignages recueillis par le réalisateur Pier-Philippe Chevigny, dénonçant cette pratique totalement légale au Canada d'importer des travailleurs de pays pauvres, et de les exploiter le temps d'une saison, sans assurance ni syndicat. De l'esclavage moderne, autrement dit. On est souvent gênés (et c'est ce que le film veut vous faire ressentir) face à l'abus constant des ordres donnés, toujours tournés vers plus de productivité au détriment de la santé des ouvriers, jusqu'au drame... On a arrêté de respirer dans le climax du film, capté caméra à l'épaule (pour plus de vraisemblance), enchaînant les vomis sanglants pour être sûr de nous faire très mal, sans même exagérer (vous voyez l'infirmier dans cette scène ? C'est un vrai infirmier, qui a raconté cette expérience qui lui est réellement arrivée... On s'éponge le front). On n'arrive même pas à détester complètement le chef d'équipe qui fait prendre des risques inconsidérés à ses employés, assistant à la scène où il se fait menacer par le big boss (la maltraitance coule le long de cette hiérarchie, il est un pion du système, comme un autre), on est même très dérangé (encore) de n'avoir pas de figure à haïr, un méchant très très méchant (à l'américaine), ici tout le monde est un citron qu'on presse contre sa volonté, jusqu'à ce qu'il ne reste pas une goutte. Le caractère cyclique, inéluctable, de ce système d'esclavagisme (ces travailleurs se taisent, et reviennent bosser l'année d'après, car ils n'ont rien de mieux dans leur pays... Soupir) est bien rendu dans la dernière scène qui fait directement écho à la première (
le bus avec l'employé qui pleure, de tristesse au début, et de joie à la fin, de ce court répit qu'il aura jusqu'à la prochaine saison...
). Pier-Philippe Chevigny est excellent pour créer du malaise, de la tension, de la colère, de l'envie de révolutionner tout un monde, de plaindre des esclaves modernes qui finissent par tousser leurs poumons sur un brancard, sans que cela ne soit illégal. Une claque dans la tronche.