Au départ, il y a une petite fille qui ramène joyeusement un pain de la boulangerie. Elle est filmée d'en haut, elle lève la tête et elle rit. Une fraction de seconde, on croit que c'est Christine Angot enfant, et un début de souffrance vrille l'esprit. Très vite on comprend que c'est sa fille, Léonore. Tout le film, en contrepoint, il y aura Léonore et l'image de cette enfance précieuse et fragile, et ce qui est arrivé à à sa mère. Ce parallèle, l'inquiétude de la mère vers son enfant installe la dévastation vécue et empêche qu'on la perde vue. Au cours d'une exposition de peinture, du Caravage je crois, il y avait une installation astucieuse, un tableau immense projeté sur un mur, dont certains détails étaient successivement zoomés pour qu'on les voit mieux. Une partie de l'oeuvre de Christine Angot m'y fait penser. Un évènement terrible dans son ensemble et dont elle détaillerait chacun des aspects dans un livre. Un amour Impossible, le voyage dans l'Est, l'Inceste, une semaine de vacances, dans le désordre.
Christine Angot a subi. Suite au choc elle reste en colère. Elle est en colère. Elle ne peut pas changer ce qui est arrivé, elle reste avec cette boite énorme, qu'elle essaie de partager en vain. On la voit se battre, crier, elle n'est pas aimable, et d'un coup sur un fonds bleu nuit elle lâche : j'en ai marre de parler de l'inceste, j'en ai marre. Elle nettoie jusqu'à l'os la plaie sans parvenir à la désinfecter.
Elle s'expose sans complaisance.
Elle écoute avec intensité même les silences.
p[spoiler]Puis soudain, au milieu de photos de son enfance : "c'est lui" Comme si tout le film était pour le montrer enfin, le dénoncer vraiment à tout le monde. Et l'incompréhension : qu'est-ce qui lui a pris de
s'autoriser à faire ça ? Parce qu'on ne fait pas ça à sa fille, et il ne voulait pas qu'elle soit sa fille, et on ne fait pas ça à une enfant, parce qu'il ne voulait pas qu'elle existe. Et finalement, elle crie parce qu'elle existe et elle oblige tous les autres à la reconnaître encore et encore.
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