En 1997, le cinéaste et documentariste Gilles Perret filmait pour la première fois la famille Bertrand, qui était déjà apparue en 1972 dans le cadre d’un reportage en noir et blanc, montrant trois frères cassant des cailloux comme des forçats et racontant leur vie de jeunes agriculteurs, reprenant la ferme de leurs parents.
Plus de 25 ans après cette première rencontre, Gilles Perret retournait dans cette exploitation agricole de Haute-Savoie qu’il connaissait bien pour avoir habité à 100 mètres de chez les Bertrand, étant jeune. Il y retrouvait ces trois frères, filmés en compagnie de leur neveu, Patrick, et de son épouse Hélène, qui avaient repris cette ferme d’élevage laitier en 1992. Les corps ont vieilli, les trois frères ne se sont jamais mariés, mais ils ont continué à s’entendre pour faire fonctionner coûte que coûte cette ferme qui compte une centaine de vaches, mais aussi des prés alentours.
En 2022, retour à la ferme des Bertrand pour Gilles Perret : la famille a bien changé. Les gamines aperçues dans le film de 1997 sont devenues des mères de famille, deux des trois frères sont décédés, ainsi que le mari d’Hélène. La nouvelle génération, composée du fils et du gendre d’Hélène, a repris l’exploitation et s’apprête à faire l’acquisition d’un robot de traite.
Une ferme qui se raconte à travers ses occupants, les montrant alternativement en 1997 et en 2022, avec ces 25 années qui séparent les deux visites, permettant au spectateur de voir les évolutions dans la manière de vivre, dans les habitudes, les méthodes de travail et les progrès technologiques, l’impact du réchauffement climatique sur les saisons, et aussi la fatigue qui se voit sur les corps usés par la répétition des tâches, comme celui d’André, le fier moustachu devenu en 2022, un arrière grand-père au dos courbé et se déplaçant difficilement.
Plus qu’un témoignage sur la vie d’une famille de fermiers, La ferme des Bertrand raconte l’histoire de l’agriculture française, celle d’une petite exploitation comme il en existe des centaines à travers la France : la vie de deux générations d’hommes et des femmes, de gens sans histoire, simples et courageux, qui ont décidé de consacrer leur vie à leurs vaches, comme d’autres consacrent leur vie à Dieu dans les couvents ou les monastères.
Un métier presque comme un sacerdoce, donc, avec ses joies et ses peines, raconté à travers la caméra d’un Gilles Perret, filmant la nature au fil des saisons, laissant parler les uns et les autres librement, les montrant au travail la plupart du temps.
Un documentaire qui raconte la vie à la ferme sous un angle plutôt positif et presque optimiste, loin de la dimension dramatique telle que l’on a pu le voir dans des films de fiction comme Petit paysan ou Au nom de la terre, voire plus régulièrement dans des reportages d’actualités.
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