Avec ce premier film, Jean-Jacques Beineix frappa fort en 1981. Massacrée par la critique, le film reçu néanmoins quatre Césars, ce qui lui permis lors de sa ressortie en salle d’être un véritable succès populaire. Il est aussi l’un des premiers films à adopter l’esthétisme de la publicité et du clip. A l’instar d’un Luc Besson ou d’un Leos Carax, Beineix faisait partie d’un « cinéma de look » de part ses visuels excentriques et branchés. Forcément, cet aspect du film est ce qui a rebuté une bonne partie de la critique de l’époque. Pourtant, le look n’est qu’un des éléments de la richesse de cette si surprenante ‘’Diva’’.
Jules est un jeune postier amoureux de la cantatrice Cynthia Hawkins. Il enregistre secrètement la voix de la cantatrice. Un jour, Jules assiste par hasard au meurtre d’une prostituée qui, à son insu à glissé dans sa sacoche une mystérieuse cassette. Jules va alors être traqué par deux tueurs qui veulent récupérer cette cassette.
On a fait grand cas des partis pris visuels du film. Pourtant, il serait dommage de ne pas s’attarder sur le scénario, assez virtuose. On peut se demander qui en est réellement l’auteur. Delacorta, l’auteur du roman ? Beineix ? A moins que le grand scénariste de BD Van Hamme en soit le réel artisan ? Quelque qu’il soit, on oublie trop souvent de saluer son travail sur cette histoire foutrement tortueuse. Le film parvient parfaitement à mêler différents ingrédients, ce qui explique (avec la réalisation bien sûr) son atmosphère constamment étrange. En l’état, que nous raconte le film? Il y a d’abord tout ce qui tourne autour de l’opéra. En ce sens, le film adopte donc une élégance propre à ce style musical (le film remis au goût du jour ''La Wally''). Élégance qui se double de délicatesse dès qu’il s’agit d’évoquer la fascination et l’amour que ressent Jules pour la voix de la cantatrice. Mais cette obsession pour cette voix, qui a elle seule aurait pu être un sujet de film est parasitée par l’irruption du polar. Là non plus, ce genre n’est pas une simple toile de fond mais bien un élément traité avec rigueur par les scénaristes. Prostitution, drogue, meurtres… Cette affaire aussi pouvait faire un sujet de film. Justement, l’audace de Beineix et de Van Hamme est d’avoir mêler ces deux intrigues, à priori sans rapport. A ceci s’ajoute aussi de petites touches d’humour qui viennent encore perturber le premier degré de ce beau méli-mélo. En ressort forcément une galerie de personnages variéé, chacun se rattachant à un genre particulier, flirtant parfois avec la parodie. On retiendra surtout ces deux tueurs hilarants et improbables. Ou encore cette cantatrice qui refuse qu’on enregistre cette voix. Mêler plusieurs atmosphères est ce qui fait de ‘’Diva’’ une œuvre si singulière. D’autant plus quand ce mélange aboutit à des choix scénaristiques assez rares.
Ainsi, on a rarement vu dans un polar un héros aussi passif et inutile dans l’avancée de l’intrigue policière. S’il est à la base du film (il récupère par inadvertance la cassette si compromettante et c’est tout), il ne fait que subir durant tout le film et ne devra son salut qu’à l’inventivité du très énigmatique Gorodish. Lequel devient d’ailleurs le véritable personnage principal dans un second temps, Jules étant relégué à l’arrière-plan
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On l’a donc compris, ‘’Diva’’ est un film très hétérogène dans son postulat. Il en va de même pour ses autres composants comme par exemple le casting. Quel film en France à cette époque pouvait mettre aux côtés d’acteurs blancs une actrice noire (ou plutôt cantatrice) Wilhelmenia Wiggins Fernandez et une actrice typée asiatique Thuy An Luu ? Evidemment, les prestations sont inégales : la jeune Thuy An Luu bien que charmante est parfois assez fausse et Frédéric Andrei ne marque pas vraiment le film (il est vrai que le rôle de Jules n’est pas le plus payant).A l’inverse, on retient d’autres acteurs comme Darmon, Pinon, Bohringer etc. tant de jeunots qui font leurs premières armes ici. Mais tant d’éléments si contradictoires ne risquaient-ils pas de se contredire réunis ensemble ? Ne risquait-on pas d’avoir un film trop confus trop fourre-tout ? C’est là qu’intervient précisément tout l’aspect technique si novateur de ‘’Diva’’. Beineix adopte une esthétisme nouvelle et originale, tant décrié à l’époque. Accordant un soin tout particulier au montage (alternance de plans très courts et de plans plus longs), aux décors (confectionnés par le designer Hilton McConnico, étroitement lié à la sphère publicitaire et aux produits de luxe : probablement ce qui a fait le plus crisser des dents les critiques en 1981), Beineix adopte une cohérence d’ensemble indéniable. La lumière (signé Philippe Rousselot) participe à la création de ce Paris aux monochromes bleus (à la Jacques Monory). Ainsi, la réunion de tous ces artistes permet de donner du corps au scénario, qui, à la base était aussi audacieux que casse-gueule. Les partis pris visuels ont pu être décriés, il n’en demeure pas moins qu’ils sont ceux qui ont permis ce mélange de raffinement (propre à l’opéra), de criard (propre au pop art) et de poisse (propre au film noir).
Ouvrant la voie à une nouvelle façon de filmer, ‘’Diva’’ est devenu culte en France et même au delà de l’Atlantique. Ce statut semble justifier de par le vent de fraîcheur que le film a apporté dans le paysage du cinéma français.