Grand prix du jury à Venise 2023 et prix de la critique internationale, " le mal n'existe pas" dernier opus à ce jour du japonais R.Hamaguchi ( dont la filmographie est dominée par " drive my car" (2021) oscar du meilleur film étranger ) a de quoi susciter la perplexité.
A travers un scénario qui se propose de confronter une entreprise qui souhaite implanter un camping de haute gamme aux habitants d'un village de montagne, Hamaguchi met l'accent sur l'importance du rapport à la nature, la nécessité de sa protection, sa contribution essentielle à l'équilibre et l'épanouissement des individus.
Le titre est contre-intuitif ( on sait bien que si les causes du mal sont parfois difficiles à comprendre, personne ne doute de son existence). La fin, sujette à interprétation.
Lorsque le titre en anglais apparaît à l'écran, le mot "not" est en lettres rouge ( couleur du sang?) et souligne l'incrédulité qu'il suscite.
Finalement ce qu'on a vu se dérouler sous nos yeux,
n'est probablement, du moins pour partie, du domaine d'un songe que fait la petite fille ( des indices montrés rapidement, que je n'avais pas perçus lors de la première vision, semblent favoriser cette hypothèse).
Il
y a aussi des ruptures dans la chronologie et l'introduction à la scène finale est annoncée à plusieurs reprises bien avant.
Le
rêve ( l'aspect onirique me semble indiscutable, certains éléments objectifs le montre) se termine en cauchemar, avec des expressions de la tragédie de la vie et de la crainte d'un futur potentiellement menacé ( affrontement physique, animal chassé et blessé à mort, disparition, stress éprouvé pa
r l'enfant, fuite).
Il
faut préciser que dans la culture japonaise, le cerf est l'animal sacré par excellence en ce qu'il est la monture des Dieux.
On
comprend mieux ce que signifie chasser, tirer ou tuer cet animal : c'est un acte de gravité symbolique absolue, une offense ultime à la nature, à l'ordre des choses ( la fin est ainsi onirique, symbolique et ne peut être interprétée de façon rationnelle - selon moi).
Les
premiers plans du film mettent sur la piste de la dimension onirique que comporte le film. En filmant longuement la cime des arbres ( avant le générique) et ceux de la fin ou la caméra filme le ciel, le cinéaste laisse penser au regard d'une personne couchée ( sur le point de s'endormir ? Ou qui dormirait déjà ?).
Le
cadeau de la plume de faisan au maire n'est sans doute pas sans portée symbolique. Le faisan dans la culture japonaise, c'est d'abord le symbole de l'harmonie.
La plume de faisa
n ( dont le rachis est utilisé
dans la conception du clavecin - instrument de musique majeur (cf les compositions de JS Bach) des temps passés) trouve un lien avec l'art musical, expression symbolique de la vie elle-même.
Les plans filmés à l'intérieur de la voiture du père le sont uniquement du pare brise arrière ( [
spoiler]
est ce une introduction à une scène qui va suivre et qui s'est déroulé dans le passé ? Un hommage au passé, à la tradition ?)
[/spoiler]
Il reste la thématique et plusieurs scènes qui fonctionnent indéniablement, mais le caractère touffu de " le mal..." rend presque indispensable,( au moins), une deuxième vision. C'est sa richesse, mais peut-être aussi sa limite pour un regard occidental.