Dans Le mal n'existe pas, alors même qu'il ne s'agit sans doute pas de son long-métrage le plus excitant, Ryûsuke Hamaguchi parvient à une sorte de maîtrise comparable à celle de Zviaguintsev, Mungiu ou Ceylan, à leur zénith. Le cinéaste japonais nous impose la patience dans des premières scènes contemplatives qui prendront une autre dimension dans la dernière partie du film et nous apprend, d'une certaine manière, qu'avec des "si", on coupe du bois. Plus concrètement, Le mal n'existe pas confronte deux manières d'envisager le temps et, partant, deux philosophies de vie, d'une part agitée et pragmatique, en milieu urbain, d'autre part naturelle et sensée, à la campagne. Une version nouvelle du rat des villes et du,rat des champs, subtile, poétique, mystérieuse, voire même opaque dans le dénouement déconcertant du film. Aucune scène, aussi longue soit-elle, n'y est gratuite, et un humour léger accompagne ce voyage en des terres qui semblent bien incongrues aux habitants de la capitale japonaise, sidérés par la connexion des ruraux à un rythme d'existence qui dépasse leur entendement. Le mal n'existe pas a des allures de fable, parfois insaisissable et toujours inattendue, qui confirme l'importance de Hamaguchi dans une caste assez réduite de réalisateurs contemporains qui poursuivent leur route en toute indépendance, sans pour autant ignorer le monde tel qu'il évolue et sur lequel ils jettent un regard ironique et quelque peu malicieux.