Sous prétexte de s'être laissé happer par un film, doit on pour autant abandonner tout sens critique ? C'est la question qu'on est en droit de se poser à la sortie de "Tatami", ce vrai-faux film iranien réalisé en Géorgie par la comédienne franco-iranienne Zar Amir Ebrahimi, Prix d'interprétation féminine dans "Les Nuits de Mashhad" à Cannes 2022, et par l'israélien Guy Nattiv, "Tatami" utilise le sport pour vilipender le régime des mollahs en Iran et si on se contente d'en faire un résumé succin, l'histoire a tout pour faire un bon film de cinéma : on est à Tbilissi où se déroulent les championnats du monde de judo et, par crainte d'une rencontre en demi-finale ou en finale avec une israélienne, les autorités sportives et politiques iraniennes veulent obliger Leila Hosseini, leur meilleure représentante, à abandonner la compétition en prétextant une blessure. Mettez ce début de scénario entre les mains d'un Farhadi, d'un Panahi ou d'un Rasoulof et vous obtiendrez un grand film de cinéma dans lequel la charge contre le régime iranien sera au moins aussi forte que dans "Tatami" mais qui sera exempt de tous les énormes défauts qui nuisent grandement à ce film : lourdeur dans la mise en scène, effets chocs inutiles et même nuisibles cherchant maladroitement à renforcer le propos, manichéisme beaucoup trop appuyé qui arrive par moment à retourner l'effet recherché. Vous l'aurez compris : on est là dans le film de propagande balourd et sans nuance, ce genre de film que les soviétiques, parfois, ont réalisé, que les américains, parfois, ont réalisé, que Alfred Hitchcock, parfois, a réalisé, etc.. Alors oui, au premier degré, ça marche et on se laisse emporter par l'histoire pleine de suspens de Leila et de Maryam Ghanbari, sa coach. Mais quand on commence à réfléchir sur ce qu'on vient de voir ... Même si il reste dans des éléments positifs dans votre esprit : le choix de noir et blanc et le format carré qui contribuent, cette fois ci intelligemment, à renforcer l'impression d'étouffement ; le jeu des 2 comédiennes, l'américaine Arienne Mandi dans le rôle de Leila et Zar Amir Ebrahimi dans celui de Maryam. Toutefois, si vous souhaitez voir un grand film qui, lui, fustige de façon intelligente le régime iranien, vous avez de la chance : "Les graines du figuier sauvage" de Mohammad Rasoulof arrive tout juste sur les écrans de l'hexagone.