Inspiré du programme Rehabilitation Through the Arts (RTA), Sing Sing ne se contente pas de documenter une initiative : il révèle comment l’expression scénique peut se faire ode à la métamorphose, dans un espace où l’identité se reconstruit loin des murs qui l’entravent.
Au cœur de cette aventure humaine, Divine G. trouve dans le théâtre une échappatoire bien plus vaste que celle qu’offriraient des barreaux ouverts. C’est une fuite intérieure, un voyage en soi-même, où les rôles joués deviennent des reflets de ce qui fut, de ce qui aurait pu être, et peut-être, de ce qui sera.
Dans la prison, tout est figé, hiérarchisé, réduit à des règles immuables. Pourtant, sur scène, les règles s’inversent : le prisonnier peut devenir roi, prophète, amant éploré ou héros tragique. L’identité cesse d’être un poids.
Le travail collectif impose une discipline nouvelle, une solidarité qui transcende les affiliations carcérales. Loin de la logique punitive du système, Sing Sing montre comment l’art peut réconcilier l’individu avec lui-même et avec les autres. Il ne s’agit plus seulement de survivre, mais d’exister à nouveau, d’être vu autrement, par ses pairs comme par le spectateur.
Ce qui confère à Sing Sing une puissance singulière, c’est sa porosité entre fiction et documentaire. En intégrant d’anciens détenus ayant eux-mêmes participé au programme RTA, le film se charge d’une authenticité brute, presque tangible.
Mais Kwedar n’échappe pas à un écueil : à force de vouloir capter l’émotion à son paroxysme, il la charge parfois d’un poids trop lourd. La musique, les ralentis, les plans qui s’attardent, tout concourt à maximiser l’impact dramatique, au risque d’une surcharge affective. L’émotion, bien que sincère, aurait parfois gagné à être moins soulignée, à laisser plus d’espace à l’épure.
En creux, Sing Sing est aussi une critique d’un système carcéral qui réduit l’individu à sa faute plutôt qu’à sa rédemption. Les chiffres sont implacables : alors que le taux de récidive national avoisine les 60 %, celui des participants au programme RTA chute sous les 3 %. Une statistique qui ne peut être ignorée, et qui fait du film aussi un manifeste implicite pour une autre approche de la justice.
Le cinéma de Greg Kwedar ne plaide pas, il expose. Il montre comment, derrière ces murs gris, se tissent des histoires d’humanité retrouvée. Et si Sing Sing bouleverse, c’est parce qu’il capte ce moment suspendu où l’art cesse d’être une simple distraction pour devenir un acte de survie.