Bienvenue dans l'univers d'Emir Kusturica, le talentueux cinéaste Serbe qui pour "Le Temps des gitans" (1989), son second film primé à Cannes, dresse un portrait attachant et salvateur de ce peuple gitan, en exploitant les ficelles à bon escient du drame familial intense, non dénué d'humour. Il démontre sa faculté à rendre vivante chaque scène, par une utilisation redondante de la musique tzigane, de longs plans séquences traversant le camp gitan ou par un scénario en béton d'une juste complexité. Et surtout son intelligence est de nous montrer cette communauté comme un peuple à part entière, comme un peuple qui a ses défauts, ses qualités, sans déraper dans la complaisance inopinée. Ainsi la grand-mère en figure centrale est l'exemple parfait de maturité par son amour dévoué, sa non-rancune et sa magie guérisseuse. Le fiston est dévoré par le vice du jeu et sa méchanceté permanente ce qui ne l'empêche pas pour autant d'imiter Charlot à merveille. Et le petit fils Perhan, dont c'est le destin que le film suit, n'a qu'une idée en tête pour conquérir son amour de toujours Azra, être riche, mais il découvrira un monde fait de malhonnêteté par l'intermédiaire d'un traficant d'enfant, aux allures de Parrain, qui l'exporte en Italie. Grâce à une interprétation épatante, une mise en scène de génie, le film qui relate le quotidien difficle des gens du voyage est un oscillement permanent entre lyrique et tragique, humour et chagrin comme en témoigne cette scène finale où le sourire, finalement, dépasse les larmes. Un film cruel mais juste, sur un peuple qui a le coeur rempli d'amour quand il reste dans la vérité, où la magie est une métaphore surnaturelle de la vie. Un bonheur de tous les instants, un film magnifique, rythmé, d'une émotion renversante qui nous réserve de sublimes moments oniriques envoûtants.