Prenez le scénario d’ "Il était une fois en Amérique" de Leone, mettez-le à la sauce gitane et faites-le tourner par une sorte de Fellini slave qui aurait troqué ses habituels fantasmes pour les vieilles prostituées moustachues contre une fascination irrépressible pour les poules et les dindons. Ca donnerait "Le temps des gitans". Un film inclassable, protéiforme, à la fois tendre et immoral, fantastique et violent, d’une beauté sauvage et baroque. Un film au-dessus duquel plane le génie d’un très grand artiste: Emir Kusturica. Quelle extraordinaire capacité à s’emparer de tous les éléments du cinéma (musique, scénario, décors, mise en scène, dialogues, caractérisation des personnages, direction d’acteurs…) pour en faire un univers unique, inimitable et absolument fascinant ! Quelle sensualité, quelle intelligence, quelle sûreté du goût, quel sens du rythme ! Ca tourne, ça virevolte, ça en met plein la vue, ça fait rire, ça choque, ça révulse, ça attendrit, ça étonne, ça laisse rêveur… Tout ça à la suite ou en même temps. Un cocktail incroyable d'émotions et de sensations. On ressort un peu étourdi, comme si on avait un peu trop respiré les senteurs enivrantes d’un marché d’épices oriental. Et on se dit alors : "Il est fort, ce Kusturica !".