Chez Kusturica, les gitans ont toujours été le symbole de la liberté, qui malgré leur défauts vivent au jour le jour, s'émancipant de toutes contraintes, dans la simplicité. "Le Temps des Gitans" est à la fois une lettre d'amour envers ce peuple et un sombre pamphlet concernant les atrocités du monde qui les entoure. Dans une première partie, Kusturica traite du quotidien d'un jeune rom, Perhan, et y institue toute la simplicité de leur mode de vie. Le jeune garçon, vivant avec sa grand-mère, sa soeur et son oncle déluré, tombe amoureux de la fille de sa voisine. Durant ce début d'intrigue, le second degré et la poésie propre au cinéma d'Emir Kusturica est omniprésent. Puis vient le moment fatidique ou le jeune héros demande à sa voisine la main de sa fille. De manière burlesque, cette dernière refuse, insinuant qu'il ne gagne pas assez. Quelque jours plus tard, sa soeur est prise d'un mal à sa jambe,à tel point qu'il faut l'opérer. Perhan, plein de rêves et dans l'espoir de soigner sa soeur puis de se marier avec son amie, rentre dans le clan du "mafieux" du village, Ahmed. Il retrouvera alors embarqué dans une vie faite de duperies et de magouilles...
Autant dire que "Le temps des gitans" est l'un des films les plus sombres d'Emir Kusturica. La poésie et la simplicité de la première partie s'évanouissent entièrement dès le départ de Perhan, marquant le contraste entre la vie simple et belle des gitans et les atrocités du monde, comme si les gitans vivaient dans une sorte de no man's land, un endroit ou malgré ses défauts, la peur, la mort et la tristesse ne sont que de simples songes et ou règne la musique, la joie de vivre...et les quelque engueulades entre voisins. Le monde filmé en dehors, sous une belle apparence, n'est qu'un leurre dans lequel Perhan tombe. Les richesses sont procurés grâce au traffic d'enfants, aux magouilles, etc. Résultat, la pourriture des terres extérieures s'impregnent sur Perhan, à tel point qu'il fini par devenir lui même un être sans scrupules, emprunt de vanité, comportement qu'il fuyait durant toute son existence.
Et, tel un châtiment, la fin de sa vie ressemble à une punition, punition de n'avoir obéï aux paroles sages de la grand-mère, punition de s'être comporté comme tel. Prisonnier d'un monde rempli de haine et de violence, la quête de rédemption du héros semble perdue.
Désillusion et tristesse sont les maîtres mots de ce film, bien loin de la poésie loufoque "Promets-moi", sa dernière fiction en date, refletant l'acidité d'une société ou n'importe qui serait prêt à faire n'importe quoi pour le l'argent. Dommage que certains moments soient quelque peu "lourds" et que la photographie soit hasardeuse. "Le Temps des Gitans" se présente comme tel, une fable âpre et sociale sur un jeune homme qui, par amour, se retrouve embarqué dans un monde bien loin de ses rêves, une réalité douloureuse et mélancolique dont il restera prisonnier toute sa vie.