Un monde de dingues
Philippe Pollet-Villard arrive avec cette comédie dramatique 16 ans après avoir reçu le César du Meilleur Court Métrage et l’Oscar du Meilleur Court Métrage de fiction, pour Le Mozart des pickpockets. Ces 90 minutes sont donc son 1er long métrage. Et je dois avouer que c’est une excellente surprise. Pas de promo, pas de casting flamboyant, pas d’effets spéciaux, pas de musique, pas de poursuite, pas de suspense… vous allez me dire alors qu’est-ce qu’il y a dans ce film. Un beau scénario, des acteurs convaincants et un point de vue utile sur notre société. Lorsque son chalutier tombe en panne, Stan, vieux marin bourru, peine à trouver sa place sur la terre ferme. Françoise, sa femme, et ses deux fils gendarmes, ont l’habitude de son mauvais caractère et de ses petites embrouilles, mais ses ennuis prennent une autre ampleur quand il rentre à la maison avec Bahman, 10 ans, trouvé dans un carton volé... Doux amer, tendre et attachant. Un petit film qui doit faire son chemin malgré les a priori que l’on pourrait avoir.
On me dit que le public sort en général déçu de la séance. Evidemment, qualifier cette heure et demi de « comédie dramatique » est un non-sens. Non, c’est un drame avec quelques situations ou répliques qui peuvent faire sourire. Mais le sujet reste bien le trafic de migrants et ses conséquences. Evidemment, - je me répète-, réunir à l’affiche un couple d’acteurs connus pour leur pouvoir comique doit en surprendre plus d’un quand le ton est surtout pathétique. Un film qui interroge sur les partis pris de notre société face aux réfugiés et répondent par le devoir de solidarité, ne peut pas être totalement une pantalonnade, au risque de trahir son sujet. A contrario, j’en entends qui vont regretter les bons sentiments de submerger l’ensemble… c’est oublier un peu vite qu’il y a là aussi quelques beaux salauds, ceux qui profitent bassement de ce trafic d’êtres humains et ceux qui tournent la tête pour ne pas voir une réalité cruelle qui pourrait déranger leur petit confort.
Patrick Timsit, parfaitement crédible en marin pêcheur au bout du rouleau, et Valérie Bonneton, que je n’avais jamais vue aussi bouleversante, forme un couple plus qu’attachant. Sébastien Chassagne et Jules Garreau incarnent avec bonheur un duo de frangins parfaitement dépassés par leurs propres parents, le petit Saaden Sada Balius, et les participations de Mélanie Doutey et Samir Guesmi… tout ce petit monde s’est visiblement bien pris au jeu et constitue une excellente affiche. Une bulle de poésie, d'humanité et d'humour dans ce monde dingues comme ne cessent de le constater les deux héros de ce film très attachant qui sait apporter un regard neuf sur un sujet trop souvent traité avec un surcroît de pathos ou de niaiserie. Laissez-vous faire ! Mais, sortir la même semaine que Dune… c’est quand même pas de chance.