C'est bizarre comme certains films que vous ne considérez pas comme un chef d’œuvre mais juste comme un bon film, vous reste en mémoire longtemps après... Des images, des décors, des situations, l'atmosphère vous revient rien qu'en pensant au film et au sujet abordé: les conséquences d"un apocalypse nucléaire sur un groupe d'humain, qui pourrait être vous ou moi... Sujet casse-gueule !
Alors, oui certains crieront à la lenteur et à l'arnaque cinématographique et au ratage d'adaptation, critiqueront improbabilité des situations et leur ridicule... Il faut dire que, parfois, on en est à la limite... Justement là est l'intelligence du film !
Si le livre de Robert Merle n'avait pas été adapté et mis en scène par les français, mais par les américains, alors, bien sûr, les fines bouches en aurait eu plein les yeux à renfort de spectaculaire et d'effets spéciaux au risque de passer au travers de la réflexion sur l'humain et l'humain dans le groupe face à une situation de survie pots-apocalyptique.
Ici la mise en scène de Chalonge, ses choix artistiques (décors surprenants de Max Douy, superbe photo de Jean Penzer, un son remarquable, etc) et les dialogues sont la force de tout le film: on se croirait vraiment dans un village du sud-ouest de la France face une situation totalement impensable et inimaginable pour la conscience, d'où certains rejets certainement... En ce sens, la scène d'ouverture vous glace d'effroi parce qu'elle s'inscrit dans le quotidien de monsieur et madame tout le monde, au-delà de toute invraisemblance (la cave à vin permettant de servir involontairement d'abri atomique), et réussit son but: vous mettre en face d'une peur commune à chaque personne: l'apocalypse nucléaire... Tout est suggéré, on entend l'explosion, on comprend sa force, les effets du souffle... Remarquable d'intensité, les acteurs étant parfaits. Puis vient la scène de découverte des conséquences à l'extérieur... une vision vraiment effrayante, la caméra se laissant de balayer le cadre pour nous montrer la catastrophe: le brouillard de cendre, le silence, les ruines encore fraîches...
Toutes les situations sont traitées de cette manière, dans leur état brute, nous mettant face à nos propres peurs, montrant franchement les réactions d'instinct de survie et ce que cela pourrait impliquer à titre personnel et par rapport au groupe.
La fin, aussi, est effrayante: on préférerait être sur le radeau de fortune de quelques échappés cherchant une meilleure terre et à survivre que ceux qui sont "sauver" par les pouvoirs publics et qui assurément seront "sacrifiés" sur l'autel de histoire d'assurer "la cohésion" de l'état et de l'ensemble du groupe...
Je tiens à préciser que je n'ai pas lu le livre de Merle. Mais c'est certain que Dumayet et De Chalonge, n'ont pas été au bout de leur réflexion politique (le personnage de Trintignant peu développé), et n'explorent pas tout le panel des situations en face d'un tel événement, mais pour moi le résultat de l'adaptation à l'image est forte et très forte. et ce qui est abordé comme sujet l'est remarquablement... Juste un tout petit quelque chose manque pour que ce film soit un chef d’œuvre, tout comme "L'Argent des autres".
Les acteurs sont remarquables, de Serrault à Villeret ( très crédible en débile léger) en passant par Trintignant, sauf Jacques Dutronc (peu à l'aise dans son personnage).