Quel dommage !
Beaucoup de questions se posent à propos du drame historico-musical de Margherita Vicario. Le choix du sujet et surtout son traitement, même s’il faut saluer l’ambition de ces 106 minutes, à mon humble avis, ne parviennent pas au but espéré. Venise, au 18ème siècle. A l'Institut Sant'Ignazio, orphelinat et conservatoire pour jeunes filles, tout le monde s'agite en vue de la visite imminente du nouveau Pape et du grand concert qui sera donné en son honneur. Teresa, jeune domestique silencieuse et solitaire, fait alors une découverte exceptionnelle qui va révolutionner la vie du conservatoire : un piano-forte. Rendre hommage aux compositrices de l’Histoire de la Musique trop souvent ignorées voire ostracisées par la gente masculine était ma foi une belle idée originale qui plus est. Hélas, le final met à bas toute la démonstration. Le goût assumé pour les anachronismes ne justifie pas tout.
Et c’est bien dommage, car le film est esthétiquement réussi, la musique – nous y reviendrons – omniprésente, les personnages bien caractérisés – même si parfois outrés -, les décors, les costumes, les accessoires, bien choisis, la photographie et l’image très soignées. Je l’ai dit, le scénario est original… Alors qu’est-ce qui cloche ? Cet hymne vibrant à la sororité et la liberté de la voix féminine devrait emporter l’adhésion de tous et de toutes. Eh bien, c’est du côté de la musique que ça pêche. D’autant plus étonnant que la cinéaste est elle-même compositrice. On est en 1800, en Italie. On y chante et joue Vivaldi avec entrain. – A ce propos, précisons que le Gloria du titre n’est pas le prénom de l’héroïne mais fait allusion à celui du prêtre roux -. Et effectivement, l’apparition d’un pianoforte signé du facteur de l’époque Johann-Andreas Stein, avait de quoi bouleverser la petite communauté féminine décrite dans ce film. Reste que l’instrument que l’on entend n’est pas un pianoforte. Je doute fort également de l’utilisation des claves et des maracas dans établissement pour jeunes femmes vénitien à l’époque du film. Enfin, le morceau final, qui provoque un énorme scandale, - j’ai bien compris que c’était là le but recherché -, non seulement est résolument contemporain mais en plus sans aucun intérêt. Je sais, je sais, les anachronismes sont assumés. Mais, bien que friand du genre irrévérencieux et politiquement incorrect, je trouve qu’en l’occurrence, ça nuit par trop au plaisir musical que ce film aurait dû donner.
La délicieuse Galatea Bellugi choisit décidément fort bien ses films. Elle n’a que 27ans et son palmarès est déjà éloquent avec Keeper, L’apparition, et surtout Chien de la casse. Elle est ici fort bien entourée par Carlotta Gamba, Veronica Lucchesi, Maia Vittosa Dallasta, Paolo Rossi, qui en fait des tonnes dans le style Comedia d’el Arte. Malgré toutes les qualités et l’ambition de ce film, je ne suis pas persuadé que l'anachronisme musical soit une arme révolutionnaire à part entière. Je pense que Margherité Vicario aurait pu réfléchir à deux fois avant de se lancer dans des impros jazz-pop pour étayer son discours militant. Reste que cette plongée dans le monde fascinant des Ospedali de Venise et des Figlie di Choro, les filles de chœur est nouvelle et passionnante.