Noël à Miller's Point ?
Pourquoi pas, je me suis dit.
C'est comme ça que je me suis retrouvée au cinéma pour ce film. Genré en "Comédie-Drame". J'ai attendu le drame tout au long du réveillon de Noël sans que jamais il ne surgisse. Quant à la comédie, on frôle le divertissement béat.
Le concept est universel: le réveillon de Noël. Une famille juive, italo-américaine. Plusieurs générations réunis sous le toit originel, dans une banlieue genre "Desperate Housewives". Une multitude d'îlots de discussions filmés par bribes, on passe de l'un à l'autre comme en errance, sans savoir avec qui poursuivre le fil des élucubrations. Tantôt à la bière tantôt au vin. Le piano est mécanique.
Rien que nous n'avions déjà entendu: doit-on placer la matriarche affaiblie dans un Ehpad, doit-on vendre la maison si ce n'est déjà signé, on se réjouit du nouveau job de celle que l'on présente comme une avocate quand elle est secrétaire, les mômes ont leur table réservée dans l'annexe du séjour, les plus grands jouent "à l'ordinateur", le chien aboie joyeusement et essuie ses pattes sur les vitres toutes nettes. On est à l'intérieur, au chaud, dehors il va neiger.
Deux cousines sont plus excitées à l'idée de se carapater après le repas et la distribution des cadeaux, pour aller zoner. On se dit: d'elles va surgir le drame. Le clash même, vu que c'est tendu entre l'une des deux et sa daronne (aucun motif de tension autre que l'adolescence grommelante).
La fugue est bien innocente.
Ce film reflète l'esprit de Noël en famille, un concept de boomers' qui s'étiole, mais même s'il demeurait intact, j'avoue (et c'est très personnel) que, ces repas en famille m'ont tant stressée, je me suis cabrée dans mon fauteuil de cinéma. Rien que l'idée de rester une nuit entière à table à ergoter, tous ces plats à donner la nausée avant même d'en avoir goûté un, ces remugles de boissons mêlés qui enivrent avant même d'avoir trempé ses lèvres dans une coupette. Brrr.
Bon.
Pourquoi pas, je m'étais dit.
Et puis en rentrant, j'ai voulu vérifier. De quand datait ce film, était-ce une rediffusion d'un classique de Noël qui m'aurait échappé, à l'adolescence ?
Que nenni: le film date de 2024. Mais alors, dans quel pays du globe sous cloche sommes-nous invités ? Un pays où il n'est pas question de Vieux Cons versus Jeunes Woke même s'il est un peu question de jeux vidéos, époque préhistorique. Aucun smartphone: tous remplacés par des nos primitifs portables. Téléphone filaire des 80' qu'on trimbale jusqu'au jardin, fil extensible et cadran d'une main, combiné dans l'autre. On ne moque pas des pulls moches. Ni de la vieille tante endormie la bouche ouverte (qui s'appelle Isabelle -sic). Même le hasthag #noelamillerspoint semble incongru. Et à la fin, la boîte-aux-lettres est retrouvée arrachée dans le jardin lumineux, avec une herbe digne d'un green de golf, on n'en fait pas une montagne. La faute aux jeunes bien sûr, avec qui, n'empêche on cohabite clopin-clopant, dans l'amour et la bienveillance.
Voilà, c'est tout simplement ça, l'esprit de Noël. Cette nostalgie qui traverse les frontières. Des drames on fait des souvenirs qu'on événementialise en riant, d'une comédie un moment pas pire ni meilleur qu'un autre, à partager à la sortie, avec les spectateurs.
Un film universel et atemporel.
Alors pourquoi pas ?