La lecture est une amitié (M. Proust)
Eran Riklis est israélien et sa filmographie depuis 2004 et La Fiancée syrienne et Les Citronniers de 2008, parle en sa faveur. S’en suivront deux autres excellents films¸ Le Dossier Mona Lisa et Mon fils. Ce ne sont sûrement pas ces 107 minutes qui me feront changer d’opinion à son propos. Azar Nafisi, professeure à l’université de Téhéran, réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Alors que les fondamentalistes sont au pouvoir, ces femmes se retrouvent, retirent leur voile et discutent de leurs espoirs, de leurs amours et de leur place dans une société de plus en plus oppressive. Pour elles, lire Lolita à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature. Un hymne à la puissance libératrice et salvatrice de la littérature et de l’art en général.
A chacun de ses films, Eran Riklis mêle les histoires intimes et l’Histoire universelle. Dans La Fiancée Syrienne, une épouse coincée entre deux postes-frontières, Les Citronniers, une veuve à la frontière entre Israël et la Cisjordanie, ou un jeune palestinien s’interrogeant sur sa propre identité dans Mon Fils. Dans Lire Lolita à Téhéran, ce sont des portraits de femmes, confrontées à la République Islamique. Il s’agit ici, de l’adaptation de l’autobiographie d’Azar Nafisi, qui nous parle des débuts de la révolution islamique à partir de 1979. Une époque rarement traitée dans toute cette série de films sur l’Iran des Mollahs. Le tournage s’est déroulé en Italie parce que c’est dans ce pays qu’a été produit où il a fallu reconstituer le Téhéran des années 80-90, quand le Shah a été chassé, une partie de la diaspora a regagné ses terres en rêvant de jour meilleurs. Hélas c’était pour tomber sous la chape de Khomeiny et sa clique. Entre courage, désespoir et survie, on suit celles qui choisissent comme une évidence la résistance à travers l'art et la littérature. Certes, on n’atteint pas les sommets des Graines du figuier sauvage ou même de Mon gâteau préféré, plus d’actualités, mais ce cinéaste israélien continue à nous offrir des films importants qui valent le coup d’être vus.
Le casting a duré 18 mois à travers le monde : Paris, Londres, New York, Los Angeles, Berlin, Oslo et Rotterdam, pour aller à la rencontre des acteurs qui y vivent. Golshifteh Farahani, d’une intensité bouleversante réussit encore une fois une performance inouïe. Quelle immense actrice ! Elle est entourée par Zar Amir Ebrahimi, Mina Kavani, Bahar Beihagui, Raha Rabahri et bien d’autres, dans ce drame iranien qui devient vite universel. On comprend pourquoi la brutalité du pouvoir islamique ne parviendra jamais à étouffer la force de la littérature et le poids de ses mots. Le mot est liberté. (Z. Valdès)