A l'origine, Le Panache est un seul-en-scène de Nicolas Devort, intitulé Dans la peau de Cyrano, qu’il a joué plus de mille fois. Plusieurs personnes chez SND avaient adoré la pièce et ont proposé à Jennifer Devoldere de l’adapter. La cinéaste se rappelle :
"Quand j’ai vu le spectacle, j’ai trouvé qu’il faisait écho à des choses très personnelles, à des thématiques qui me sont chères comme l’acceptation de la différence, la transmission entre générations, trouver sa place, et que l’histoire de Colin était universelle."
"C’était la première fois que Cécile, ma co-scénariste et moi-même adaptions une œuvre existante et la tâche s’est révélée plus ardue que je ne l’aurais cru. Nicolas Devort campe tous les personnages dans un décor unique totalement dépouillé."
"Il a fallu trouver comment amplifier cette histoire, lui donner sa dimension cinématographique, tout en conservant l’état d’esprit initial de la pièce."
Le Panache fait directement référence à l’univers de l'enfance de Jennifer Devoldere, aux personnages et aux récits initiatiques des teen movies qui l'ont marquée, comme L’Effrontée, Diabolo menthe, Stand By Me, Liberty Heights et bien sûr Le Cercle des poètes disparus : "Le final de David Devarseau est un hommage direct au film de Peter Weir. Comme Keating, Devarseau révèle les jeunes à eux-mêmes et éveille leur conscience."
"Il va transformer leur vision des choses et marquer à jamais leur vie. Mais je crois que la comparaison s’arrête là. Le Cercle est un drame qui se passe dans les années 50 et qui se termine par le suicide d’un adolescent. Les problématiques du Panache sont contemporaines – le handicap, la problématique du genre, le divorce, l’engagement, le harcèlement, l’importance du lien social – et sont traitées avec davantage d’humour et de légèreté", confie la réalisatrice.
Elle ajoute : "Une autre référence assumée est le Discours d'un roi. Il y a des points communs dans les rapports qu’entretiennent Colin et Devarseau et la relation qui unit le roi bègue à son orthophoniste qui ne respecte pas l’étiquette."
Dès le départ, Jennifer Devoldere voulait que le personnage de Colin soit interprété par un PQB (personne qui bégaye) et non par un acteur qui "jouerait" le bégaiement : "On a lancé un casting sauvage et on a eu un coup de cœur pour Joachim Arseguel. C’est le premier qu’on a vu et au final, le seul ! Une évidence pour nous plus que pour lui : il ne voulait pas participer au film."
"C’est son orthophoniste qui l’a poussé à passer l’audition. Une fois que Joachim a franchi l’étape du casting, il a sauté à pieds joints dans l’aventure. Il a travaillé très, très dur. Comme Colin, il s’est ouvert au monde, il s’est fait des copains, il a beaucoup appris, il a pris confiance en lui et gagné en autonomie. Je crois que ça a changé sa vie...", se remémore la réalisatrice.
Pour le personnage de Colin, Jennifer Devoldere et sa co-scénariste Cécile Sellam se sont inspirées de l'histoire de Joachim Arseguel. La cinéaste explique : "On a aussi intégré 'sa manière' de bégayer, ce temps qui lui est propre et très personnel lorsqu’il parle. Je me suis adaptée à lui, et je crois que ça a donné une écriture filmique particulière qui marque le film parce que je l’observe beaucoup. Je le regarde, parce que je l’ai trouvé fascinant à regarder."
"J’ai vu qu’il avait des aptitudes de jeu, qu’il allait très vite dans sa tête, qu’il était très intelligent, très observateur, mais la parole ne suit pas forcément la vitesse de sa pensée. Au début, je voulais maitriser son bégaiement et puis je me suis rendu compte que c’était illusoire et que si aucun orthophoniste n’y était parvenu en 14 ans, on n’y arriverait pas en six mois. Alors, on a lâché prise... J’ai engagé un coach, Daniel Marchaudon, qui l’a préparé psychologiquement."
La pièce Cyrano de Bergerac était déjà dans le seul-en-scène de Nicolas Devor. Jennifer Devoldere l'a gardée pour Le Panache, parce qu'elle trouvait qu'elle fonctionnait bien dans la mesure où le film parle d’un personnage qui assume qui il est et qui se libère d’un poids. Elle précise : "D’ailleurs, c’est aussi ça être sur scène : c’est prendre sa place."
"Il occupe donc sa place dans la société, dans sa famille, dans le spectacle. Il s’émancipe. En outre, Cyrano aborde plusieurs questions politiques, dont on s’est nourri, autour de la bien-pensance, de l’hypocrisie, du jeu social qu’on subit. Et au final, du fait qu’on fait toujours tout par amour..."
Avec Le Panache, Jennifer Devoldere collabore pour la deuxième fois avec le chef-opérateur Jean-François Hensgens et le chef décorateur Jean-Marc Tran Tan Ba, après Sage-homme. La cinéaste raconte : "Très vite, on a envisagé le film en Scope qui, pourtant, n’est pas mon format de prédilection. On a fait pas mal de tests et, finalement, à partir d’une contrainte liée aux enfants – avec qui on ne peut pas tourner la nuit –, on a réfléchi au moyen d’éclairer les intérieurs."
"On a aussi essayé différentes pistes avec des gélatines et des filtres et on a poussé les teintes. Je ne voulais pas aller dans un naturalisme de forme, juste un naturalisme de jeu - créer une sorte de contraste entre les deux. Insuffler du style dans la banalité du quotidien des personnages... Pour donner une identité au film forte, qui rappelle de très loin, l’univers du théâtre."
José Garcia a voulu prendre part au projet car l'idée de jouer un professeur le stimulait. Le comédien confie : "Je trouve toujours extraordinaire d’incarner un personnage aujourd’hui au bord du gouffre, dans un monde où l’information n’a jamais été aussi proche et, dans le même temps, aussi loin des gens. Pour moi, les profs sont des Don Quichotte et Devarseau, mon personnage, n’a pas de jugement, pas de dogme – il se dit seulement que l’école est sans doute le dernier bastion où l’on peut donner une éducation à un être."
"J’essaie de plus en plus d’aller vers des personnages qui ne sont pas démonstratifs et qui me tranquillisent, et de rester dans une forme de simplicité – et ce projet m’en donnait l’occasion. C’était d’autant plus fort que Jennifer Devoldère a une idée précise de ce qu’elle veut raconter. Du coup, je savais que je pouvais me laisser porter !"