Ce film n’en manque pas
Après une comédie familiale poussive – Et soudain tout le monde me manque -, en 2010, Jennifer Devoldere a frappé fort avec son excellent Sage Homme. Voilà, de nouveau, 93 minutes bien écrites, passionnantes et défendues par un casting au dessus de tout soupçon. Colin, 14 ans, fait son entrée dans un nouveau collège et il flippe : comment s’en sortir quand, comme lui, on est bègue ? Sa rencontre avec Monsieur Devarseau, charismatique prof de français, va le pousser à affronter ses peurs et sortir de son isolement. Maintenant Colin a une bande de copains et un projet : monter sur scène pour jouer Cyrano devant toute l’école. Une des très belle surprises de cette semaine - pourtant riche – qui parlent avec talent d’estime de soi, d’acceptation de la différence et de transmission.
A l'origine, ce film est un seul-en-scène de Nicolas Devort, intitulé Dans la peau de Cyrano. Bien sûr, on pense très vite à l’inoubliable Cercle des poètes disparus de Peter Weir. Mais c’était ily a 35 ans et au moins deux générations ignorent ce film. D’ailleurs, la cinéaste ne renie pas cette influence… Et franchement, il y a bien pire. Mais ici, les problématiques sont contemporaines : le handicap, la problématique du genre, le divorce, l’engagement, le harcèlement, l’importance du lien social. Le choix du Cyrano de Rostand est prépondérant, car ce pur chef-d’œuvre parle de la bien-pensance, de l’hypocrisie et du jeu social qu’on subit. Voilà un « film d’école » très réussi, car il a su éviter les écueils du genre : les clichés, les outrances et certaines facilités tout en traitant des sujets très garves avec une délicatesse infinie. Bravo !
Dès le départ, Jennifer Devoldere voulait que le personnage de Colin soit interprété par une personne qui bégaye et non par un acteur qui « jouerait » le bégaiement. C’est lors du casting que Joachim Arseguel a été découvert. Très bonne pioche, il est juste, émouvant et donne une magnifique réplique à un José Garcia qui sait oublier ses tics et ses outrances dès qu’il aborde le registre dramatique. Aure Atika, de film en film, finit par me convaincre d’un talent que je ne lui soupçonnais pas jusqu’alors. Autre révélation dans un casting de jeunes d’excellente qualité, Tom Meusnier, très émouvant. Enfin, je citerai le numéro – certes proche du cliché, mais très réussi - de Neige de Maistre, Ni un cap, ni une péninsule du 7ème Art, mais un film émouvant, juste et loin de tout cynisme.