Fucking Fernand appartient à ce groupe des comédies grivoises, voire parfois franchement vulgaires des années 70-80, aux côtés de Gros dégueulasses, Si vous n’aimez pas ça n’en dégoutez pas les autres ou encore Le Bonheur a encore frappé pour n’en citer que quelques-unes. Franchement, dans le registre ce n’est pas la meilleure, mais elle m’a paru plus subtile que la manière dont beaucoup de critiques la présente.
En fait le souci, je pense, c’est que beaucoup n’attendez pas Lhermitte ou Laforêt, dans une moindre mesure Lamotte, dans un film de ce registre. Malgré le titre, je n’en doute pas, certains imaginez un Papy fait de la résistance bis, et non ce n’est pas le cas !
Alors c’est vrai, Fucking Fernand, à l’image de son titre, ne fait pas spécialement dans la dentelle. Surtout au début, car finalement c’est surtout là que c’est le plus hard ! Bien sûr c’est volontiers vulgaire et politiquement incorrect, et donc ça ne s’adresse qu’à un public prévenu, mais je n’ai pas trouvé que c’était un défaut spécifique, car le film jongle bien avec son concept, que je ne juge pas forcément mauvais d’avance. C’est de l’humour grivois, mais qui offre quelques gags efficaces malgré tout, sur un rythme nerveux, et dans un contexte historique audacieux. Maintenant, ce qui est appréciable aussi, c’est que le film peut parfois être étonnement sérieux, notamment dans son final. Si c’est assez déconcertant, ça apporte un style particulier à ce métrage qui devient un peu inclassable. En tout cas, il ne faut pas uniquement voir ce film en partant du principe que ça ne parle que de ce qu’il y a en-dessous de la ceinture, c’est le réduire de trop. A noter néanmoins qu’il y a une réelle cassure entre la première et la seconde partie du film, la seconde gagnant en consistance mais perdant nettement en humour, et qu’il y a quelques séquences assez grotesques (le duel) qui cassent la dynamique globale.
Le casting est surprenant. Non pas seulement car il y a une diversité d’acteurs originale, mais aussi car ces acteurs sont souvent utilisés à contre-emploi, et spécialement Thierry Lhermitte. Celui qui cultivera largement une image chic et élégante se balade ici tout nu en full frontal, et n’hésite pas à forcer le trait en obsédé sexuel. Il en fait des caisses, trop sans doute, et parfois il lasse par la monomanie de son personnage. A ses côtés Jean Yanne passe même pour un acteur sobre, héritant d’un rôle plus intéressant, et le campant avec une certaine crédibilité. Martin Lamotte est néanmoins au-dessus je trouve en milicien, personnage difficile mâtiné de beaucoup d’humour noir. Je note aussi un choix mémorable : Hark Bohm, impressionnant dans son rôle d’officier nazi. Côté féminin, Charlotte Valandrey et Marie Laforêt se partage l’essentiel, la première surprenant agréablement, tandis que Laforêt campe une tenancière de maison close avec beaucoup de classe.
Côté réalisation, c’est pas mal fichu. Certes les moyens devaient être limités, mais les choix scénaristiques ont été suffisamment intelligents pour circonscrire les lieux, les actions, ce qui permet d’avoir une reconstitution qui ne choque pas, d’avoir quelques scènes à spectacle bien distillées (la figuration est aussi assez conséquente), et donc de ne pas trouver Fucking Fernand fauché ou étriqué dans ses ambitions. La mise en scène n’est pas en reste, sans atteindre des sommets, elle réussit étonnement dans les passages importants, et il y a une scène d’explosion que j’ai trouvée spécialement marquante pour un film comique de ce genre. La bande son manque d’un thème réellement fédérateur, marquant, qui retient l’attention.
Politiquement incorrect, Fucking Fernand l’est assurément, et vu la période retenue, c’est parfois assez trash. Mais je crois qu’il serait malvenu de s’arrêter à cela, c’est aussi un film qui peut se montrer plus sérieux, plus subtil, et avec son solide casting c’est un moment singulier que j’ai trouvé assez réussi.