Andrea Arnold s'ancre dans le réalisme social pour scruter, comme à son habitude, la rudesse et la beauté des classes populaires, avec une caméra qui respire l’immédiateté et la sensibilité en nous dévoilant les marges. Pourtant, avec Bird, Arnold opère un basculement audacieux vers le fantastique, un langage qui explore des vérités inaccessibles au naturalisme.
L'homme qui aide Bailey, énigmatique et ancré dans le fantastique, fonctionne comme un contrepoint symbolique au réalisme oppressant. Son existence dans le registre du fantastique reflète l'idée que l'aide ne viennent pas des institutions réelles (famille, société économie) mais d'une échappatoire quasi-magique, irréelle.
La transformation de Bird en oiseau est une métaphore puissante, à la fois aspiration et tragédie. Elle suggère une transcendance, mais aussi une fuite désespérée : dans un monde verrouillé, l’envol est une victoire ambivalente. Arnold ne donne pas de réponse facile. Elle laisse planer l’idée que, pour échapper à leur condition, ses personnages doivent se détacher, au risque de se perdre. Bird est l'incarnation d'un espoir silencieux, toujours là malgré l'indifférence apparente du monde.
Bug, brillant d'interprétation (comme chacun des comédiens), est une allégorie des blessures générationnelles. Il est à la fois un produit et une victime des dysfonctionnements de son environnement. Sa nature ambivalente, à la fois vulnérable et mystérieusement destructrice, évoque les liens familiaux, où l'amour et la toxicité coexistent.
Visuellement, Arnold signe une œuvre tactile et sensorielle. Chaque cadre (une aile d’oiseau frémissante, un regard écrasé par l’émotion) pulse d’une intensité qui capte l’âme des choses. Les flous, les cadres resserrés, les éclats de lumière percent l’écran comme des lueurs d’espoir, tout en maintenant l’étreinte d’un isolement poignant.