« C’est essentiel de faire entendre la voix des noirs aujourd’hui. »
American Graffiti, American Psycho, American Pie, American Beauty, American Animals, American History X, American Gangster, American Horror Story… la liste des œuvres cinématographiques ou télévisuelles qui commencent par « American » est longue comme un jour sans donuts et compte pas mal de pépites. Cette fois, American Fiction nous dépeint un professeur de littérature et écrivain afro-américain forcé de prendre congé de ses étudiants pour revenir dans sa famille, à Boston. Dès les premières scènes, on se doute que la cible principale du scénario sera les préjugés, tous les préjugés, y compris ceux du personnage central, Thelonious "Monk" Ellison, interprété par Jeffrey Wright.
Monk, sorte de double littéraire de Percival Everett, l’auteur du roman adapté, est en pleine de crise de la quarantaine, qui prend du poids et voit son univers s’effriter en quelques jours
, entre le décès de sa sœur, la démence de sa mère, sa carrière littéraire au point mort, les secrets sur la vie de son père qui ressurgissent et, donc, les préjugés raciaux et sociaux
.
Sensible, sans pathos inutile mais non sans émotion, American Fiction est aussi une comédie grinçante, un formidable et complexe questionnement sur la littérature et le dilemme de l’écrivain intellectuel et condescendant.
Cette double histoire entrecroisée permet ainsi d’aborder plus en profondeur la personnalité du héros et le rôle exutoire de l’écriture, de l’ironie féroce et du travestissement. On l’aura compris, il est aussi beaucoup question d’identité, multiple.
Si la réalisation n’invente rien, elle demeure propre dans sa narration classique, accompagnée d’une musique parfaite. Formée à la composition pour la télévision, Laura Karpman offre une partition éclectique orientée jazz qui se veut à la fois discrète et plus présente selon les scènes. Cord Jefferson (réalisateur et scénariste) dont c'est la première oeuvre au cinéma nous offre une comédie grinçante, drôle, truffée d'humour noir, mais aussi sensible et diablement intelligente
, ne fût-ce que pour sa conclusion à choix multiple délirante et mise en abyme
.
American Fiction est sans aucun doute la bouffée d’air frais de ces Oscars.