La Mongolie n'est pas particulièrement réputée pour être un pays de cinéma. Grand état de quelques 1,5 millions de kilomètres carrés pour 3 millions d'habitants, c'est un pays enclavé entre la Russie et la Chine qui est principalement (pour ne pas dire quasi-exclusivement) connu pour son histoire riche ; avec, notamment, la constitution du plus grand empire de tous les temps (Exception faite de l'Empire Britannique) sous Gengis Khan et ses successeurs. Bien. Mais passé le récit historique, que sait-on au fond de ce pays steppique, composé d'une population historiquement nomade ? Pas grand chose. Et c'est pour cette raison que le film de Zoljargal Purevdash est d'un grand intérêt. L'histoire d'Ulzii n'est pas seulement celle d'un miséreux qui doit s'occuper de son frère et de sa sœur ; c'est celle d'un enfant qui cherche à s'en sortir, avec l'espoir de pouvoir un jour aider sa famille. Probablement le destin de beaucoup d'enfants mongoles, dans un pays ou une grande partie de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ainsi, c'est en saisissant cette misère humaine sous ses traits les plus marquants (Privations, mendicité, l'orgueil ou la fierté c'est selon, qui pousse à s'isoler des autres, à ne pas demander d'aide pour rester "fort" ou, surtout en fait, pour ne pas paraître faible) que la réalisatrice parvient à émouvoir.
J'ai, personnellement, été très touché par la scène ou la mère rentre dans la Yourte en état d'ébriété. La réaction des enfants est criante de vérité : La chaleur qui se dégageait de leurs rires un instant auparavant, s'estompe immédiatement pour ne plus laisser place qu'à un climat de tristesse.
Le grand "réalisme" qui se dégage effectivement de l'ensemble de l'œuvre, que ce soit dans le caractère ou les agissements des personnages, est la marque du caractère universel de l'histoire qui est racontée.
De façon plus générale, Si seulement je pouvais hiberner donne un certain regard sur la Mongolie contemporaine. Riche en ressources, le pays compte sur la croissance du secteur primaire de l'extraction minière pour assurer son développement. S'il n'entre pas dans le propos de Zoljargal Purevdash d'en montrer les effets autrement que par la brève vision d'immeubles en construction, elle n'oublie pas pour autant de rappeler que la Mongolie est un pays en plein développement, aux besoins gigantesques. Comment comprendre, autrement, le concours de physique auquel Ulzii participe ? Passant furtivement, le discours d'ouverture du concours semble confirmer cette idée.
Outre les paysages, outre la musique, cette misère qui s'étend aux pieds de la partie la plus privilégiée de la population mongole fournit à la réalisatrice l'occasion de jouer des contrastes d'Oulan-Bator. L'histoire d'Ulzii et de ses frères et sœurs se situe surtout en marge du centre de la capitale, dans ces quartiers de yourtes ou s'entassent des milliers de gens venus chercher une meilleure vie dans cette capitale polluée. Ainsi, quand les immeubles communistes apparaissent, on saisit immédiatement un peu du cœur de ce pays. Car du cœur, ce pays en a, c'est un certitude. Et là est l'une des dernières grandes qualités du film : Il nous partage un peu de sa chaleur. Humaine, j'entends. Entre deux plans du monde glacé qui s'étend au dehors, il ne cesse de nous réchauffer avec le professeur d'Ulzii, qui fait de son mieux pour accompagner son élève, ou encore les bienveillants voisins de la famille.
Alors, évidemment, Si seulement je pouvais hiberner est surtout l'histoire d'un gamin tiraillé entre le souhait d'aider son frère et sa sœur sans faire de vagues, et l'envie de s'en sortir. Mais c'est aussi une vision sans concessions de la Mongolie, qui invite à se plonger plus profondément dans le cinéma mongole, en commençant peut-être par l'œuvre de Byambasuren Davaa. C'est, en somme, un film poignant qui ne peut laisser indifférent.