Le film a obtenu le Prix de la Liberté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023.
Le 9 juillet 2011, le sud du Soudan est devenu, en accédant par sécession à l’indépendance, le Soudan du Sud, soit le plus jeune état de la planète. Ce nouvel État a accédé à l'indépendance par sécession, espérant ainsi "mettre enfin un terme au racisme, à la marginalisation et aux violences extrêmes dont les Sudistes, majoritairement catholiques, souffraient depuis 1955 et deux guerres civiles", explique le journaliste du Monde Jean-Philippe Rémy.
Bien que le Soudan du Sud fasse partie de l'Organisation des Nations unies (ONU), des conflits territoriaux subsistent quant à la frontière officielle avec le Soudan. Le pays a connu une guerre civile particulièrement meurtrière, qui a fait près de quatre cent mille morts, et l’a précipité dans une grave crise humanitaire. Aujourd’hui, sur douze millions d’habitants, huit sont dépendants de l’aide humanitaire et souffrent des plus forts taux de malnutrition depuis l’indépendance. Un million de Sud-Soudanais ont dû se réfugier au Soudan où, ayant renoncé à leur citoyenneté, ils sont considérés comme apatrides.
Avec Goodbye Julia, Mohamed Kordofani veut lancer "un appel à maintenir l’unité de ce qui reste du Soudan, qui est toujours enlisé dans le même dilemme, et qu’il faudrait traiter à plusieurs niveaux". C'est selon lui le rôle de l'art que d'éveiller les consciences. "La réconciliation doit être un projet national pour préserver ce qui reste du Soudan et pour construire une nouvelle identité nationale, construite sur des valeurs d’humanité, de coexistence et de justice plutôt que de race, de tribu et de sexe", espère-t-il.
Mohamed Kordofani reconnaît avoir été terrifié d'avoir traité un sujet aussi sensible au cinéma, mais ses convictions sur l'importance et l'urgence de la situation du Soudan du Sud étaient plus fortes. "Aujourd’hui, je m’inquiète pour ma famille, mes amis et mes collègues au Soudan. Je crains que certaines personnes sortent ce film de son contexte et l’associent aux conflits entre l’armée et les Forces de soutien rapide. La guerre dans le Sud était due au racisme, à la marginalisation et au fanatisme identitaire. Ce qui se passe aujourd’hui, n’est qu’une lutte pour le pouvoir afin de préserver les intérêts des individus."
Pour le réalisateur, le principal défi a été de trouver un équilibre entre cinéma d’auteur et cinéma populaire : "Je rêvais d’un film que tout le monde puisse voir, un film excitant, avec une intrigue forte, un rythme attirant, qu’il y ait un meurtre, et une bonne musique, mais pas au détriment de son ambition artistique. Je ne voulais surtout pas aborder des sujets aussi complexes que l’identité, le racisme et le conflit entre conservatisme et progressisme, de façon simpliste ou naïve."
Goodbye Julia est le premier long-métrage de Mohamed Kordofani. Il était auparavant ingénieur en aéronautique chez Gulf Airlines pendant 16 ans. En 2020, il a décidé de quitter l’aviation pour se concentrer sur ce film, et ce malgré un confort matériel certain. Il a investi tout ce qu'il possédait dans Klozium Studios, une société qui lui a permis de produire, financer, et réaliser son long-métrage. "Je savais que quitter mon travail dans l’aviation était un risque, car j’ai deux filles à élever. C’était aussi la seule possibilité pour moi de me lancer dans cette aventure", souligne-t-il.